
Dans la perspective de la préparation de la loi de finances 2026, l’Association Citoyenne et Laïque des Consommateurs (ACLC[i]) s’inquiète du possible impact d’un rapport de l’IGF (Inspection Générale des Finances) et de l’IGEDD (Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable) sur le dispositif du chèque énergie et demande au gouvernement d’en garantir le principe et le financement. La transition énergétique se doit d’être juste et socialement acceptable, en particulier pour les 20% de nos concitoyens les plus fragiles !
Dans leur rapport publié le 18 juillet 2025, intitulé « Moyens publics et pratiques dommageables à la biodiversité »,l’Inspection Générale des Finances et l’Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable ont examiné les moyens publics à destination de 6 secteurs, parmi lesquels celui de l’énergie, dont les activités ont un impact connu sur la biodiversité, soit au total 750 dispositifs étudiés, pour plus de 250 à réexaminer.
Cette étude colossale et exhaustive conclut que pour 92 Milliards d’aides publiques examinées, 37 méritent d’être réexaminées, dont 20 Mds€ en priorité. Le chèque énergie en fait partie pour un montant de 795 millions d’Euros (PLF 2024).
La mission IGF/IGEDD s’appuie sur le rapport de la Cour des Comptes de février 2022 selon lequel « le fait que le chèque puisse financer tout type d’énergie va à l’encontre des objectifs de la France, puisqu’il aboutit à subventionner pareillement l’usage d’énergies carbonées et décarbonées ».
La mission considère donc que « tout soutien à la consommation d’énergie va à l’encontre de la sobriété énergétique. En outre, elle a un impact partiellement défavorable à la biodiversité pour la part relative aux énergies carbonées ».
La mission n’a pas pris en compte les CEE (certificats d’économie d’énergie), dont il faut rappeler que les bénéficiaires du chèque énergie, au même titre que tous les consommateurs d’énergie, contribuent à l’effort de rénovation énergétique et de décarbonation en supportant le coût, répercuté sur leurs factures d’’énergie ! Pour mémoire, ces CEE représentent actuellement environ 1/3 des coûts commerciaux de leur fournisseur.
La mission propose tout simplement de supprimer le dispositif du chèque énergie, « quitte à (lui) substituer des aides aux revenus non conditionnées à la consommation d’énergie », et de « conditionner les compléments de revenus à des baisses de consommation d’énergie, y compris relatives à des catégories d’énergies dommageables ».
Mais comment identifier les bénéficiaires potentiels de ces aides aux revenus ? Et comment demander à des ménages qui se chauffent peu, ou ne se chauffent plus, de faire acte de sobriété énergétique ?
Selon le dernier état des lieux de la précarité énergétique en France (décembre 2024) établi par l’Observatoire national de la Précarité Energétique, 30% des Français déclarent ainsi avoir souffert du froid à leur domicile lors de l’hiver 2023-2024 ; cette proportion a plus que doublé depuis 2020. 41 % des Français qui ont eu froid en 2024 l’expliquent par la nécessité de limiter le chauffage pour des raisons financières.
Le baromètre du Médiateur National de l’Energie établit les mêmes constats : malgré ces restrictions volontaires des consommateurs d’énergie en 2024, les interventions pour impayés augmentent de 24% par rapport à 2023 avec 1,2 million de coupures (309 000) ou de limitations de puissance (937 000).
Alors que la rénovation énergétique est durement frappée par de nouvelles dispositions réglementaires défavorables, telles que la modification du coefficient d’énergie primaire qui va artificiellement améliorer l’étiquette énergétique des DPE sans le moindre geste d’isolation et remettre sur le marché des centaines de milliers de logements « indécents », ou la rénovation d’ampleur est suspendue faute de budget, puis relancée pour un nombre de logements très inférieur aux objectifs de l’Etat, réduire ou supprimer le bénéfice du chèque énergie pour les ménages les plus fragiles serait compris comme une manifestation d’indifférence voire de mépris à leur égard.
Les politiques publiques en matière d’énergie ne peuvent s’exonérer des exigences de la solidarité, et abandonner tout un pan de la société en grande souffrance.
Contact : Françoise Thiebault, coordinatrice secteur Energie – CNAFAL – Tél : 06 80 10 83 64
[i] L’ACLC regroupe des associations de défense des consommateurs agréées au niveau national, qui partagent des valeurs comme l’éducation des consommateurs à tous les âges de la vie, la laïcité, la citoyenneté, le respect des droits, le dialogue, la médiation comme méthode de règlement des différends. En sont membres l’ADEIC, l’ALLDC et le CNAFAL.