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Politique familiale

« Prendre en compte les réalités familiales d’aujourd’hui »

  • 11 juin 2014 |
  • Bonnemayre - Interview - Laligue - nouvelles familles - PMA - politique familiale
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Alors que la loi sur la famille, initialement prévue sous le gouvernement Ayrault, a été reportée, la question de l'autorité parentale est de nouveau en débat. Jean-Marie Bonnemayre, membre du Haut Conseil de la famille et président du Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), revient sur cette actualité.

Les Idées en mouvement: Quels sont les chantiers actuels du Cnafal ?

Jean-Marie Bonnemayre: Il y en a deux principaux. D’une part la résorption du déficit de la branche famille et la remise à plat de la politique familiale dans le sens d’une plus grande justice sociale sont toujours d’actualité. D’autre part, la« loi famille», que le Cnafal considère comme inachevée depuis que le volet « nouvelles parentalités, nouvelles filiations » a été torpillé en février dernier. À cet égard, le Cnafal tient à rendre hommage à Dominique Bertinotti.

De tous les scénarios qui avaient été proposés au Haut Conseil de la famille, le Cnafal avait finalement approuvé la baisse du plafond du quotient familial, solution la plus équitable et qui préserve l’architecture actuelle de la politique familiale. Nous ne nous sommes pas opposés à la fiscalisation des majorations de pensions (pour ceux qui ont des enfants, afin de renflouer la branche vieillesse).

Aujourd’hui, dans le cadre du pacte de responsabilité, le Premier ministre réclame 800 millions d’euros d’économies supplémentaires à la branche famille. À nouveau, des propositions déjà évoquées sont en débat : la suppression de la prime de naissance versée au 7ème mois de grossesse, d’un montant de 923 € et soumise à conditions de ressources (plafond : 47 000 € de revenus annuels pour un couple biactif. Pour le Cnafal, le coût d’un premier enfant est certain, puisqu’il implique l’achat d’équipements et ce sont les ménages modestes et moyens qui seraient touchés.

C’est pourquoi, toujours dans le sens de la justice sociale, le Cnafal propose plusieurs scénarios : soit la fiscalisation des allocations familiales à partir d’un certain niveau de revenus, soit la suppression de la demi-part fiscale au 3eme enfant et son remplacement par une prime, soit la réduction du complément du libre choix d’activité (CLCA), qui à partir d’une certaine durée se transforme en trappe à chômage : il dissuade les femmes de travailler, il pénalise celles qui interrompent leur carrière et entretient un partage inégal des tâches domestiques entre les hommes et les femmes. La durée du CLCA pourrait être réduite à

6 mois et le Cnafal préfère l’investissement vers les modes de garde collectifs (crèches, etc.).

Que pensez-vous de la suppression de la cotisation famille payée par les patrons ?

En décembre 2011, nous nous sommes opposés au rapport du député Yves Bur (UMP) qui souhaitait supprimer cette cotisation. Notre position n’a pas changé, d’autant que cette cotisation n’a cessé de baisser. En 1946, elle représentait16 % d’un salaire brut. Aujourd’hui, elle est « tombée» à 5,4% et même 3,2 %, si on intègre les exonérations de charges sociales. C’est un symbole important qui serait atteint et, parfois, il faut savoir ne pas toucher aux symboles. Or, celui-ci est fort : c’est l’héritage du Conseil nati.onal de la Résistance, consensus qui avait réuni toutes les forces politiques issues de la Résistance, et le général de Gaulle, lui-même, avait proclamé qu’il était logique et normal que le patronat contribue à la cohésion sociale de la France !Un report sur la CSG reviendrait à mettre à contribution tous les ménages, sans distinction, sans compter que cela remettrait en cause la gestion paritaire des CAF et donc une forme de démocratie sociale !

Une proposition de loi sur l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant, dont le rapporteur est la députée Marie-Anne Chapdelaine (PS),était en discussion à l’Assemblée nationale. Quelle est votre position ?

Le Cnafal appuie totalement ce projet de loi et considère qu’il n’est qu’un premier barreau de l’échelle à gravir. Nous avons assisté à la présentation des travaux conduits par lrène Théry dans le cadre de son rapport 1. Nous adhérons à la quasi-totalité des propositions, d’autant qu’elles sont le fruit d’un travail interdisciplinaire. Il s’agit de prendre en compte les réalités familiales d’aujourd’hui, les métamorphoses de la parenté en considérant la place du tiers parent, ainsi que de façon permanente l’intérêt supérieur de l’enfant, sous l’autorité du juge aux affaires familiales. Un mandat d’éducation quotidienne avec accord de toutes les parties en présence, y compris celui de l’enfant, est prévu. Tl s’agit de faciliter la vie au quotidien des familles recomposées ou de couples de même sexe. Il s’agit d’une délégation­ partage, ou délégation-transfert, conçue comme un soutien à l’autorité parentale, l’idée étant de légiférer pour tous les cas de figure. Il y aura un mandat par enfant et la possibilité d’entendre ce dernier à tout moment. Il s’agit d’assurer à l’enfant une sécurité aussi bien affective que juridique, notamment lorsque l’autre parent est défaillant ou éloigné. Ce qui est au cœur r de la réflexion sur la parentalité, c’est la complémentarité entre lien d’alliance et lien de filiation. Cette loi va dans le bon sens. J’ajoute qu’elle est attendue, elle aussi, depuis plus d’une décennie !

Le Cnafal souhaite l’accès aux origines pour tous les enfants, qu’ils aient été adoptés ou qu’ils soient le fruit d’une PMA ou d’une GPA. Le Cnafal considère qu’il faut aussi maintenir l’anonymat de l’accouchement sous X. Ce n’est pas contradictoire. Il faut distinguer le secret de l’accouchement et l’anonymat définitif. Chaque enfant a droit à son histoire pour se construire, sinon on est dans la fiction de pseudo-filiation. Il faut aussi garantir au donneur l’anonymat jusqu’à la majorité. Par la suite, il ou elle pourrait exister comme donneur/donneuse ; toute rencontre éventuelle serait alors soumise à leur autorisation. Cela implique d’élargir la compétence du Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme) et du CNAOP (Conseil national d’accès aux origines personnelles).

Les débats passionnés autour de la PMA et de la GPA ont parasité toute réflexion sur les nouvelles parentalités et les nouvelles filiations. Qu’en pensez-vous?

La PMA existe depuis 1994, soit 20 ans déjà, et elle s’est banalisée à l’étranger. La vérité que ne veulent pas voir, ou entendre, les opposants, c’est que la PMA, qu’elle soit pour les couples infertiles ou pour les couples de lesbiennes, remet en cause le moule de la procréation charnelle et donc le principe de la « présomption de paternité >> qui conforte l’hypocrisie, l’ordre moral. Lorsque l’on sait que toutes les études en Europe et aux USA montrent que 10% des naissances déclarées ne sont pas issues du géniteur officiel, on mesure en fait le tabou que la PMA contribue à lever. Il est d’ailleurs symptomatique qu’à l’automne 2012, lorsque l ‘Unaf (Union nationale des associations familiales) a été consultée sur le projet de loi des personnes de même sexe, on nous ait fait voter sur une question préalable : êtes­ vous pour ou contre la suppression de la présomption de paternité dans le code civil? Le Cnafal s’est prononcé pour la suppression. Ce qu’on omet de dire dans le débat franco-français, c’est que d’autres pays européens se refusent à cette tartufferie, comme la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, en ayant recours à la procédure d’adoption ; d’autres par une déclaration de volonté formulée sur le registre civil, comme le Royaume-Uni et l’Espagne. La proposition du rapport Théry est tirée de l’expérience étrangère et propose une déclaration commune anticipée de parentalité lorsqu’il y a PMA. C’est d’ailleurs du simple bon sens : c’est le projet parental qui fonde le parent. On voit bien d’ailleurs que lorsqu’une maternité ou une paternité n’est pas désirée, le lien ne se fait pas, ou mal, et occasionne des désordres. Le Cnafal défend la PMA pour to u s les couples de lesbiennes et son ouverture aux femmes seules, puisque l’adoption leur est ouverte. Pour ce qui est de la GPA, elle fait l’objet de vifs débats au sein même du Cnafal.

• Propos recueillis par Charles Conte

1. Commandé en octobre 2013 par la ministre déléguée à la Famille de l’époque, Dominique Bertinotti, le rapport sur la famille « Filiation, origines, parentalité : le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle » a fait l’objet d’un travail important, mené par la sociologue Irène Théry aux côtés de nombreux spécialistes, qui dessine la famille du XXI• siècle. Élaboré dans la perspective d’une future loi sur la famille, ce rapport préconise notamment l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de même sexe, la reconnaissance de la filiation des enfants nés par gestation pour autrui (GPA) à l’étranger ou encore la fin de l’anonymat des donneurs de gamètes.

Interview tirée de

LES IDÉES EN MOUVEMENT LE MENSUEL DE LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT N°  220  JUIN-JUILLET 2014

http://www.laligue.org/

 

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