Familles Laïques

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Politique familiale

Peut-on parler d’un populisme chrétien ?

Discours de Jean-Marie Bonnemayre pour l'université d'automne de la Ligue des Droits de l'Homme

Le socle du mouvement familial et familialiste est clairement contre-révolutionnaire. 1875 c’est l’établissement de la République, la IIIème, qui reprend à son compte les idéaux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, des revendications des républicains de 1830, de 1848 et de la Commune. Le mouvement familial représente, au sens littéral, la Réaction contre la République en train de se déployer puis contre les lois laïques : lois de Jules Ferry sur l’instruction publique, loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

La famille, dans cette conception est la cellule sociale antérieure aux individus !

« La décapitation de Louis XVI avait annoncé la mort de tous les pères : le Général de Gaulle avait proclamé qu’avec la 5ème République, il réglait une question vieille de 159 ans ! En remettant la tête d’un père suprême sur le corps de la nation, il avait rétabli celle de tous les pères ».

« Le père est éjecté de la société occidentale. Mais avec lui, c’est la famille qui meurt ».

« Le génie de la génération soixante huitarde est d’avoir inventé une idéologie qui prétend qu’elle n’en est pas une, d’avoir imposé un endoctrinement totalitaire au nom de la liberté et enfanté des maîtres qui se prétendent rebelles ».

 (Eric Zemmour – Le suicide français)

 

 « L’opposition ne reviendra au pouvoir, qu’en apportant des solutions à la crise des valeurs que connaît la société française et en restaurant des repères éternels ».

Les français ont davange besoin d’une droite des valeurs pour tous ». C’est parce que la notion même de famille était remise en question par un gouvernement sectaire que plus d’un million de personnes ont battu le pavé ».

(Valeurs Actuelles – 5 décembre 2013).

 

« Je veux pouvoir critiquer Mai 68, sans être traité, un comble, de pétainiste ». « L’idéologie de 68 a imposé sa pensée unique, son politiquement correct. « L’idéologie de 1968 avait pris le pouvoir intellectuel, le pouvoir médiatique et même le pouvoir politique ».

(Sarkozy – 3 mai 2007, discours de Montpellier, fin de campagne).

 

Qu’est-ce que Mai 68 ? De quoi est constitué le symbole de Mai 68 ? Mouvement qui d’ailleurs n’est pas propre à la France ! C’est le moment où les certitudes du « vieux monde » s’écroulent, sont remises en question, où les rapports de domination quels qu’ils soient, de soumission, les rapports exploiteurs/exploités, hommes/femmes, jeunes/vieux, blancs et autres couleurs, enseignants/enseignés, sont remis à plat. Pas de gourou, pas de chef (les supporters actuels de Sarkozy réclament un chef, restaurent le culte du chef rédempteur et sauveur…). Tout le monde se met à penser, à décompresser, à décompenser… Mai 68, c’est la révolte contre la vie standardisée de leurs parents, contre la famille patriarcale et reproductrice de beaucoup d’inégalités ; la famille/formatage des petits d’hommes et de femmes est le cœur de cible, car elle est le modèle réduit de la société hiérarchisée, tant sur le plan économique que politique…

Aujourd’hui, la diabolisation de Mai 68 (discours de Sarkozy de 2007, livre d’Eric Zemmour, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles) est symptomatique et annonciatrice du risque d’un « retour à l’ordre moral » et donc à l’ordre tout court.

Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, dans un éditorial du 11 février 1993 intitulé « le Malaise Yonnet » débusque la posture et l’imposture de cet intellectuel sociologue, permanent, salarié de l’UNAF pendant 25 ans, mort en août 2011, après avoir « régné » sur le secteur de la famille et du droit de la famille. Ce catholique pur et dur n’a jamais été contesté à l’UNAF où il bénéficiait d’une très large autonomie. Ce qui est à mettre en exergue dans l’article de Jean Daniel, c’est que, comme la plupart des intégristes catholiques, il récuse l’établissement de la République au point de reprocher à l’Eglise de s’être ralliée à la République à la fin du XIXème siècle. Son influence auprès des AFC et de l’UNAF a été indéniable jusqu’à ces dernières années.

Zeev Sternhell dans l’interview d’octobre 2012 à la revue « Humanisme » caractérise parfaitement le retour de la philosophie des Anti-Lumières avec la droite sarkozyste : le primat de la tradition, des coutumes et de l’appartenance à une communauté culturelle, historique, linguistique, ethnique, religieuse. Il ajoute que « la guerre aux fondements des Lumières françaises se poursuit de nos jours avec non moins de détermination qu’au cours des 2 siècles passés !

Autrement dit, par-delà les discours envers Marine Le Pen, Dieudonné et consort, il y a bien le retour sur le devant de la scène de l’ancienne droite catholique, collaborationniste, vichyste (qui avait été muselée par De Gaulle et les chiraquiens et que Sarkozy a remis en selle à travers les débats sur l’identité française, sur le primat du curé, sur l’instituteur ou le discours de Dakar du 28 juillet 2007 (l’homme africain est « sommé » d’entrer davantage dans le siècle », jamais l’africain ne s’élance vers l’avenir) ou la préparation au mariage civil de Claude Greff inspirée directement du catéchisme catholique. LE 16 janvier 2008, Nicolas Sarkozy fait allégeance à l’Eglise catholique : « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes ».

Le fait nouveau, depuis quelques années, et cela date de l’ère Sarkozy, c’est que cette droite-là, « limite factieuse », maurassienne, mène la guerre culturelle contre toute la gauche, le combat pour les valeurs (qu’elle qualifie d’éternelles).

Dans ce dispositif, la famille, l’occident chrétien y a une place centrale. L’émergence, depuis octobre 2012, de groupes militants très actifs, très branchés sur la communication, sur l’action de terrain rassemblant toutes les générations pour un « Mai 68 de la droite » en est la manifestation la plus spectaculaire ! Mais il ne faut pas négliger la véritable adhésion à un corps de valeurs passéistes pour nous, mais qui ramène à des thématiques issues de la Restauration, de la Réaction, du Maurrassisme et de Vichy et qui ressortent de « l’idéologie familialiste ». Plus que le réveil d’un populisme chrétien, c’est le retour de l’idéologie familialiste qui est à l’œuvre et largement inspirée par la bourgeoisie catholique. Des couches moyennes et supérieures fréquentent les meilleures écoles privées catholiques et manipulent en les enflammant par des discours apocalyptiques, les couches populaires qui ont leurs enfants dans le circuit des écoles confessionnelles pour faire face à l’échec scolaire de leurs enfants.

N’oublions pas la circulaire des évêques appelant à manifester et à renforcer le mouvement familial. N’oublions pas l’appel du Directeur national de l’enseignement catholique, à destination de toutes leurs écoles pour appeler à la « Manif pour tous ».

Ainsi, lorsque les acteurs de la « Manif pour tous » affichent que « l’éducation des enfants n’appartient qu’aux familles », c’est un thème récurrent mis en avant dans les années 1880-90, lors de la naissance du mouvement familial et revendication constante jusqu’à aujourd’hui. C’est la contestation de l’école républicaine, de la loi de 1905. Sous couvert « d’agit-prop » sur les questions de société (mariage pour tous), c’est bien la République laïque, démocratique et sociale, qui est contestée et qui est en jeu !

Il n’y a pas de combat républicain sans combat pour l’égalité. C’est bien le sens de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Sans égalité, la liberté n’est que la loi du plus fort. C’est vrai dans la société, c’est vrai au sein de la famille. Pendant des siècles, les femmes ont été exclues de toute sphère publique. Concrètement, cela veut dire la famille telle que l’a conçue l’Eglise et la société patriarcale jusqu’à la fin du XXème siècle, se résume à l’accaparement du pouvoir par les hommes et du cantonnement des femmes à la sphère privée, au foyer, à la famille.

C’est bien pour encourager les femmes « à rester à la maison » que certains revendiquent encore la mise en place d’un « salaire maternel » (AG de Nancy de l’UNAF, revendication de certains responsables AFC). Thématique relayée, jusqu’en 2012, par le Front National. Aujourd’hui, les « familialistes » (voir débat sur la politique familiale, les allocations familiales et le quotient familial), préfèrent mettre en avant le « libre choix » : travailler ou rester à la maison pour élever les enfants.

A la vérité, familialisme et christianisme se tiennent par la main. Ce n’est pas un hasard, si le mouvement familial tire ses origines d’associations confessionnelles, qui affichent ouvertement leur hostilité à la République et la laïcité.

Le 20 septembre 1792, les députés de l’Assemblée législative adoptent deux lois essentielles pour le sujet qui nous intéresse : la laïcisation de l’Etat Civil, la transformation du mariage en contrat civil qui en même temps délivrait les enfants majeurs de l’obligation d’obtenir le consentement de leurs parents pour se marier et le divorce par consentement mutuel était créé !

Pour les révolutionnaires de 1789 et les tenants de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, c’est la suite logique à la liberté individuelle, à l’égalité de l’homme et de la femme qui jusqu’alors était tenue en sujétion complète !

La grande césure de 1789 à 1796 va « jusqu’au bout de la libération des hommes et des femmes ». D’où la haine de tous les tenants de l’Ancien Régime. En effet, dorénavant le citoyen se définit non pas, par ses identités particulières (ethnique, régionale, religieuse, linguistique, de caste), mais par son appartenance à la nation, communauté des citoyens ! C’est la grande rupture entre nature et culture ! En effet, ce que l’Eglise a réussi à imposer depuis à peu près le XIIIème siècle notamment en France c’est de référer l’ordre social et la famille (incluse dans cet ordre) dans un monde « transcendant », venant d’en haut, divin, donné pour toujours et par conséquent immuable et donc « naturel ». La famille est devenue dès lors « la plus naturelle » des communautés. Cette référence à la loi naturelle qui est la « loi divine » doit s’imposer à tous et à toutes. Elle prétend être fondée sur les « lois de la nature » prescrivant dans l’ordre physique et biologique les règles de vie, les conditions de vie permettant la survie de l’espèce humaine. C’est cette vision de l’ordre naturel qui a légitimé la relégation des femmes dans la sphère domestique et leur infériorisation sociale et politique. En suivant le même raisonnement, la différence biologique des sexes et donc la famille naturelle est identifiée à la cellule d’un couple hétérosexuel apte à procréer et à élever des enfants qu’il a conçus biologiquement ! On sait depuis Simone de Beauvoir à quel point l’existence précède l’essence. C’est la culture qui façonne les mœurs, et le mode d’organisation de notre société. C’est à partir de cette conception de la « famille dite naturelle » qu’une grande partie des évêques et des catholiques parlent à propos du mariage ouvert aux homosexuels (elles) de « mutation anthropologique ». Horreur et effroi ! L’essor de la science à partir de 1789 (la Révolution entraine aussi une effervescence scientifique) nous apprend précisément que la nature n’est plus « un ordre ». Mais si la nature est un ordre intangible alors les conduites « désordonnées » doivent être traquées : haro sur les enfants naturels, les enfants adultérins, le concubinage, les pratiques contraceptives, l’avortement, l’éducation à la sexualité, l’homosexualité. De 1804 et même jusqu’à Vichy et au-delà, l’affrontement entre les tenants de l’ordre naturel et les tenants de l’émancipation humaine à l’égard de toutes les dominations ne cessera… la chair sera diabolisée…Au centre du pêché se trouve le sexe, au centre de la purification se trouve le mariage !

L’œuvre législative de la Révolution va au-delà de la laïcisation du mariage : elle supprime le « droit d’aînesse » en cas d’héritage et impose le partage égal entre les enfants y compris en reconnaissant un droit à l’héritage pour les enfants naturels (12 brumaire An II) ; elle bat en brèche la « puissance paternelle » en instituant un « tribunal de famille » : elle accorde la majorité aux enfants à partir de 21 ans et le tribunal de famille peut contrôler le « droit de correction » du père (protection de l’enfant, émergence de l’enfant comme sujet de droit au même titre que la femme) ! Car la famille sous l’Ancien Régime est le lieu par excellence du non-droit.

On comprend que les contre-révolutionnaires à partir de 1790 accuseront les Républicains de vouloir détruire la famille (brique essentielle de la société, cellule de base de la société pour reprendre un langage « unafien »). Cette affirmation aura cours tout au long du XIXème siècle sous les deux restaurations, sous le second empire, sous la 3ème république lorsqu’Alfred Naquet reprendra la question du divorce, aboli sous la restauration, jusqu’à l’entre-deux guerres et sous Vichy et même après, jusqu’à nos jours, voir les discours de 2012 à maintenant. Systématiquement les gouvernements républicains, laïques, ou de gauche tout simplement seront accusés de vouloir détruire la famille !

On sait que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen proclame le « droit au bonheur sur terre » et le « député constituant » Gossin en août 1790 proclame qu’après avoir rendu « l’homme libre et heureux dans la vie publique », il reste à assurer sa liberté et son bonheur dans sa vie privée.

Nous sommes toujours dans cette recherche… et on comprend la hargne de la droite réactionnaire, contre Mai 68.

Dès la première restauration, les contre-révolutionnaires s’attaquent au divorce pourtant remanié et restreint par Napoléon (qui supprime en 1804 le divorce par consentement mutuel). On supprime le divorce parce qu’ainsi on relégitime l’ordre social ancien fondé sur Dieu. On efface l’œuvre de la Révolution et on relégitime ainsi l’Ancien Régime. D’ailleurs le député De Bonald, à l’origine de cette loi, n’hésite pas à déclarer « le divorce était en harmonie avec la démocratie…C’était désordre dans la famille, désordre dans l’Etat ». Déjà, les discours apocalyptiques se faisaient jour…

Le mouvement familial va naître et se structurer à partir des années 1880-1890 en réaction aux lois Républicaines ! Frédéric Le Play (1806-1882) sera l’un des inspirateurs du mouvement familial.

Frédéric le Play, précurseur de la sociologie française, est aussi inspirateur du catholicisme social (René de la Tour du Pin et Albert de Mun ; l’Action Française revendiquera sa paternité).

Après la grande guerre et « l’union sacrée » qui a prévalu, la droite catholique et familialiste, à travers ses multiples associations, publie en 1920 « Une déclaration des droits de la famille », « contre-pied » à la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen. Dans la foulée, elle réclame l’établissement du suffrage familial, ce qui revient à annuler le suffrage universel, symbole de la République. Le père détenait dans ce scénario la totalité des suffrages de la famille : femme et enfants ! Il y aura même, une majorité de députés pour l’adopter en commission des lois, puis les radicaux de gauche par des arguties juridiques, se débrouilleront pour « enterrer » le projet de loi !

Le suffrage familial revient en force à la réunion de l’Assemblée consultative d’Alger (Conseil national de la résistance – Mars 1944) où Michel Debré veut imposer le suffrage familial, soutenu d’ailleurs par Alfred Sauvy. De Gaulle, soutenu par la gauche, tranchera en faveur du vote des femmes !

En 2000, l’UNAF pour commémorer la Déclaration des Droits de la Famille de 1920, écrit une nouvelle mouture de celle-ci où il est indiqué que la famille est la cellule de base de la société.

Permanence de l’idéologie familialiste qui doit nous interroger et hautement symbolique dans le moment présent que nous vivons.

Robert Paxton, grand historien américain de l’époque de Vichy déclare que le programme de Vichy « pousse plus loin tous les arguments de Le Play qui devançait 1789, accusé d’avoir amorcé la décomposition de la famille en instituant l’égalité devant l’héritage et en donnant trop d’importance à l’individu ; les théoriciens de Vichy accusent la IIIème République d’avoir créé un climat très défavorable à la famille ». Pétain aura cette formule « le droit des familles l’emporte sur les droits de l’Etat et de l’individu ; la famille est la cellule de la vie française ».

Toujours la famille fut un vecteur discriminant entre la gauche et la droite et pas seulement en vertu de ce qui vient d’être rappelé. A l’automne 2012, la plupart des dirigeant du PS au pouvoir, l’ont oublié et n’ont pas mené le combat idéologique qu’il aurait fallu porter.

Tous les sujets dans le champ de la famille seront l’objet de batailles parlementaires ardues et violentes. Ainsi dans le champ de la protection de l’enfance et de la maltraitance. « La loi de déchéance paternelle » fait l’objet d’un « tir de barrage » sans précédent de toute la droite (1883-1889) car elle anticipe une nouvelle conception de la famille atténuant la toute-puissance du père et codifiant les règles de conduite des parents à l’égard des enfants. Ainsi Théophile Roussel, sénateur de Lozère déclare le 26 mai 1883 « les droits de la famille ne sont pas des droits qui viennent de la société ou de ses représentants administratifs, ce sont des droits qui viennent de la nature et de Dieu ».

Les républicains estiment que la République a un devoir de secours et de protection envers ses enfants. Le sénateur monarchiste Gavardie déclarera même que cette loi de protection des enfants aujourd’hui banalisée provoquera la révolte des enfants contre l’autorité paternelle ! Et il dénie tout droit à la justice d’entrer dans le foyer domestique quel que soit le motif.

Il est d’ailleurs symptomatique de noter au passage la nature de l’affrontement au sujet des lois d’instruction laïque de 1881 et 1882. Les adversaires de la loi considèrent qu’elle va porter atteinte à la liberté d’éducation des pères ! On retrouvera ces débats avec le projet de loi Savary. Certains ajouteront que l’on touche aussi au devoir sacré de la famille.

La reconnaissance des enfants naturels va faire l’objet d’âpres batailles. De 1872 à 1896 des batailles législatives ont lieu à l’initiative de députés radicaux de gauche soucieux de justice et d’égalité et qui considèrent que les enfants n’ont pas à subir d’opprobre et de jugement moral. En 1896, la proportion d’enfants naturels qui est de 9,6% en constante augmentation. Ces députés de gauche confortent ainsi une nouvelle conception de la famille fondée davantage sur les liens d’amour et d’affection réciproque que sur une réglementation juridique !

On retrouve une même résurgence des arguments à propos du divorce lors des discussions précédant la loi Naquet (27 juillet 1884) car, bien sûr, les enfants et leur devenir font l’objet d’une grande controverse. Les adversaires du divorce insistent sur le fait que les parents ont des devoirs perpétuels envers leurs enfants ce qui suppose une union perpétuelle et Portalis, juriste français à la fin du XIXème siècle, combattant le projet de loi d’Alfred Naquet, déclarait : « l’enfant est toujours partie intéressée, partie principale et essentielle dans le mariage. L’enfant a droit à son père, l’enfant a droit à sa mère. Le père et la mère ne peuvent pas se dérober à l’enfant, car en se dérobant, ils brisent la famille, ils ôtent, à l’enfant, la famille qui lui a été promise le jour du mariage ».

Aujourd’hui ce sont les mêmes arguments peu ou prou qui sont employés à propos du mariage pour tous dès lors que la revendication de la possibilité de l’adoption ou de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples homoparentaux est revendiquée.

Ce que l’UNAF ne peut ignorer c’est que la famille n’est pas « un en-soi » (pour reprendre un concept philosophique) figé pour l’éternité : c’est un fait sociologique que la multiplicité des formes familiales contemporaines : c’est un fait ethnologique qu’il a existé et qu’il existe toujours des organisations familiales différentes en fonction des sociétés et des contextes économiques.

C’est un fait sociologique que les familles homoparentales font partie de ces nouvelles formes familiales.

C’est un fait sociologique que nés d’une union hétérosexuelle antérieure des enfants sont élevés par des couples homosexuels voire par des familles à trois parents ou quatre parents lorsque les séparations s’effectuent sans douleur.

C’est un fait sociologique que la coparentalité entre parents biologiques et parents sociaux existe et qu’il faut bien trouver un statut juridique pour ces nouvelles formes à la fois de parenté et d’alliance, le PACS est une forme d’alliance comme le mariage.

C’est un fait sociologique aussi que les discriminations ont lieu sur la base de l’orientation sexuelle notamment en matière d’adoption. Dans cette affaire, il faut considérer l’intérêt de l’enfant qui ne doit pas être stigmatisé. La cruauté du conformisme social et normatif ne doit pas nous faire répéter les erreurs d’il y a quarante ou cinquante ans à l’égard des enfants de divorcés ou des enfants de familles monoparentales qui intégraient en eux l’opprobre jeté sur leur parent par la société (femmes de mauvaise vie… !).

A la fin des années 1960, l’UNAF se refuse à reconnaître en tant qu’association agréée, l’association des familles monoparentales. Les mères de familles célibataires sont qualifiées de « filles mères », tout comme les « femmes divorcées » sont forcément de « mauvaise vie », selon le vocabulaire de l’époque qui en dit long sur l’exclusion et l’ordre moral.

L’UNAF menacée d’une scission qui lui ferait perdre la reconnaissance des pouvoirs publics et qui menacerait son existence, mène alors, sous l’impulsion de Roger Burnel, une refondation de l’UNAF sur des bases plus démocratiques et plurielles (loi de juillet 1975) et l’association des familles monoparentales est agréée. Le même combat va se répéter avec les familles homoparentales (APGL en 1991, qui demande son agrément à l’UNAF qui le lui refuse) et en 2013… Les agréments de l’APGL et des Associations Familiales Homoparentales de Paris, frappent à la porte de l’UNAF.

Aujourd’hui, ce que le libéralisme est en train de dissoudre sous nos yeux c’est tout le lien social entre les individus. La famille est également impactée parce qu’elle est un lieu de solidarité naturelle et, depuis quelques décennies seulement avec l’émancipation des femmes, un lieu d’apprentissage de la démocratie de délibération commune (passage de la famille patriarcale à la famille égalitaire).

La culture de l’individualisme compétitif désormais inculqué dès le plus jeune âge vise à atomiser tous les individus, à les lobotomiser pour les rendre sans ancrage territorial, sans « généalogie » pour fabriquer des sociétés sans mémoire, anomique ; nos sociétés sur le modèle américain sont entrées dans l’ère du narcissisme où l’individu est dans un état perpétuellement de désir inassouvi et inquiet (c’est ce qui fait marcher le commerce en particulier celui lié à la grande distribution ! L’individu narcissique ne se projette plus dans l’avenir puisqu’il n’a plus de passé ce qui est la manifestation moderne d’une forme de désespoir ! Mais face à cela, le repli rétrograde serait la pire des choses ! Ce qu’est le danger : la famille comme épicentre du retour de la droite maurassienne. La gauche, dans le champ de la famille, doit se battre sur ses propres valeurs.

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