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Logement

Le coût d’une expulsion locative

Depuis 2004, le CNAFAL chiffre le coût social et financier d’une expulsion locative et avant même que Martin Hirsch ne produise en 2013, son ouvrage « cela devient cher d’être pauvre » nous l’avions démontré dans le champ du logement, en chiffrant le coût d’une expulsion locative. Voici notre tableau réactualisé.

1)       Coût juridico-administratif lorsque les sommes à recouvrer sont comprises entre 128 € et 1 280 €. Au-delà les émoluments varient suivant le montant de la créance à recouvrer ; ces tarifs s’appliquent en province. Il va de soi qu’à Paris et en région parisienne, cela est beaucoup plus important.

 

TTC

Impayé de loyer

Lettre recommandée avec accusé de réception

4,62 €

Lettre de mise en demeure

10 €

Huissier

Signification et commandement de payer, assignation au tribunal

103,71 €

Notification (dénonce assignation)

56,19 €

Avocat

Frais de dossier et plaidoirie

243,60

Huissier

Signification de jugement

50,90 €

Facultatif

Appel possible – Nouveaux frais

Entre 400 et 500 €

Notification jugement

62,73

Obligatoire

Commandement de libérer les lieux

52,23 €

Dénonce commandement

56,19 €

Lettre recommandée au Préfet pour l’alerte du jugement d’expulsion

4,62 €

Itérative expulsion

56,19 €

Huissier

Tentative d’expulsion

44,31 €

Demande d’intervention de la force publique

56,19 €

Expulsion véritable, PV reprise

44,31 €

Frais du commissaire

33 €

Frais du serrurier (facultatif)

137 €

Frais de déménagement en moyenne facturé au locataire. Le bailleur fait éventuellement l’avance.

1 000 €

Frais de garde meuble pour 233 par trimestre et facturé au locataire (prix moyen).

150 €

Fourchette basse coût d’une expulsion……………………………………………………………………………………………………………………. 780 €

Fourchette haute, dont une grande partie (85%) à la charge du locataire expulsé……………………………………………….. 2 000 €

2)       Coût financier social assuré par les CCAS ou les conseils généraux

 

Si placement  d’enfants consécutif à l’expulsion et à l’absence de logement

Coût moyen par enfant et par mois, à la charge du Conseil Général………………………………………………………… 5 000 € environ

Si famille avec enfants, prise en charge de l’hôtellerie entre 3 et 5 jours
en général comme au CCAS………………………………………………………………………………………………………… Entre 80 € et 120 €/jour

Sans compter le coût social et humain (parcours scolaire hiératique troubles du comportement, santé déficiente, éclatement des familles, marginalisation, etc.).

3)       Pour être exhaustif, il conviendrait d’ajouter les coûts administratifs des différentes réunions dites de prévention des expulsions, à savoir SDAPL : section départementale des aides publiques au logement, FSL (Fonds de Solidarité Logement), CAPPEX (Commission de Prévention de Expulsions), loi DALO (relogement dans le cadre du droit au logement), Commission de surendettement sur l’ensemble de la chaîne locative qui mobilise bailleurs sociaux, travailleurs sociaux, fonctionnaire de l’Etat, du Conseil Général , des mairies :

Base salaire brut :

Fourchette très basse sur la base d’une évaluation globale : 9 600 € par commission et par mois

Avec un minimum de réunions  (des cadres supérieurs participent et la fréquence des réunions peut être très élevée dans les départements en grande difficulté sociale…

4)       Il faudrait ajouter les coûts de l’ASL (Accompagnement Social Lié au Logement, de la MASP (Mesure d’Accompagnement Social et budgétaire Personnalisé  etc.), sans compter les procédures des commissions de surendettement. Naturellement, cet accompagnement est nécessaire et doit être de qualité. Le CNAFAL dénonce les attaques récurrentes, depuis une décennie, ayant pour cibles les « assistés ».

Comment peut-on vivre avec le RSA social : 499 €/mois et RSA avec un enfant : 654 € ? Payer toutes les charges incompressibles malgré les tarifs sociaux, manger, se soigner, payer un loyer. Il faut dire la vérité : les défauts de paiement de loyer sont devenus, la plupart du temps, structurels parce que c’est le défaut de ressources qui entraîne cela… Le CNAFAL rappelle à cet égard que, contrairement aux idées reçues, les minimas sociaux en France sont les plus bas d’Europe occidentale…

5)       A cela, il conviendrait d’ajouter un coût social inchiffrable aujourd’hui :

Le parcours des familles précarisées est chaotique : un nomadisme social s’est institué depuis une quinzaine d’années avec des hébergements provisoires, des parcours de meublés en meublés, des locations produisant des impayés et des départs à la cloche de bois, d’une commune vers une autre, à l’intérieur même d’un département, mais aussi de départements voisins : une sorte d’errance structurelle, qui pour les familles « ballotent » les enfants au niveau de leur scolarité : d’où souvent du fait de la condition socio-économique qui leur est faite : échec scolaire, décrochage scolaire, pour les jeunes : squats, trafics…

Rappelons qu’une majorité des jeunes SDF (moins de 30 ans), selon les statistiques, sont issus de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance dépendant des Conseils Généraux) un comble ! C’est-à-dire que les enfants les plus fragiles sont majoritairement condamnés à la rue, à l’errance !

Comment chiffrer ces dégâts ? Il faudrait ajouter les problèmes de santé avec fragilisation chronique et les coûts de prise en charge, des soins en psychiatrie.

6)       Enfin, le CNAFAL, depuis 15 ans aussi, dénonce le chiffre noir des expulsions locatives. Combien de familles partent d’elles‑mêmes avant le jugement, après le jugement d’expulsion, après les tentatives d’expulsions légales instrumentées par voie d’huissier, mais aussi celles qui se procèdent par intimidation, harcèlement du bailleur et de ses agents, etc. celles qui interviennent juste après le commandement de déguerpir, etc. Le CNAFAL considère, tous secteurs confondus, qu’il faut multiplier le chiffre par 2 ou par 3 pour approcher la réalité.

7)       Une spirale infernale qui marque un échec de notre société, dite solidaire et républicaine, un échec du travail social, du fait de l’extrême complexité des procédures, de leur enchevêtrement qui fait que, à leur corps défendant, les professionnels du social font plus de dossiers administratifs, que d’enquêtes sociales sur le terrain, à domicile, en accompagnement rapproché des familles ou de personnes en détresse.

Le CNAFAL veut montrer l’absurdité de ce système qui brise chaque année des milliers de familles.

En 2013, il y  a eu 161 000 assignations au tribunal pour rompre le bail de location.

En 2012, 126 000 décisions d’expulsions ont été prononcées par les tribunaux. Dans 98% des cas, les personnes assignées ne se présentent pas devant les juges et donc la machine judiciaire devient un abattoir, où seul l’avis du bailleur l’emporte ! Pierre Joxe, l’ancien ministre analyse très bien cette dérive judiciaire sur d’autres tribunaux spécialisés (les TASS). Bien évidemment, c’est la machine judiciaire qui est en cause et non les juges.

De 2011 à 2012, les décisions de justice, aux fins d’expulsion ont augmenté de 4,8% contre 1,2% entre 2011 et 2012.  

A la vérité, les commissions DALO et CAPPEX sont « détournées » de leur mission : bien souvent des personnes ou des familles sont cataloguées ingérables ou pas dignes d’un relogement. Les familles sont étiquetées et une « traçabilité » existe chez les bailleurs privés ou publics, qui ne se privent pas de l’exploiter pour récuser des dossiers.

De même, des logiques contradictoires s’affrontent : les bailleurs sociaux sont rivés à leurs pertes financières et ils ont obligation de déclencher des poursuites. La MILOS (Mission d’Inspection du Logement Social) est attentive à la « rationalité » économique des organismes. Dans le même temps, un préfet a des instructions pour « limiter » les expulsions locatives, car l’Etat dans ce cas-là doit indemniser les bailleurs du montant des loyers perdus par les propriétaires.

Dans les années 2000, la masse des indemnisations versées au propriétaire était équivalente à la masse des sommes distribuées dans tous les départements par les FSL (Fonds de Solidarité Logement) ; d’où aussi le forcing des préfets : à Nice, récemment une femme de 98 ans a été expulsée, mais c’est loin d’être un cas isolé.

De plus en plus, l’expulsion exécutée avec ou sans forces de l’ordre, devient de plus en plus périlleuse : suicide par défenestration, etc.

Le CNAFAL souligne aussi que, avant exécution d’un jugement, le maire de la commune doit être systématiquement informé pour avis. Il est évident qu’un maire qui refuse une expulsion locative et se bat pour enrayer « la machine à broyer » en s’opposant à l’emploi du concours de la force publique, peut obtenir des résultats car un préfet hésitera toujours à s’opposer à un élu et à prendre des risques.

De plus, il n’est pas acceptable que des expulsions soient effectuées » « à l’aveugle » avec des « enquêtes sociales » non efficientes, parce que les locataires « se murent » littéralement chez eux et des dossiers passent en commission avec la mention « enquête sociale non effectuée ou en échec » ! Ce qui n’autorise aucune appréciation et à la limite justifie l’expulsion…

Le CNAFAL devant ce diagnostic désespérant fait deux propositions :

a)       Aucune expulsion de personnes ou de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté ne doit avoir lieu. L’accompagnement social et éducatif doit être prioritaire.

b)       La SDAPL fonctionne aujourd’hui d’une manière absurde : au bout de 2 échéances consécutives non payées, l’APL est suspendue. Pour les petits revenus, la dette de loyer « bondit » immédiatement et est multipliée par 3, 4 ou 5 fois. L’effet psychologique est désastreux pour les familles précaires et vivant en dessous des seuils minimaux : au bout de 5/6 mois d’échéances non honorées, la dette apparait colossale et insurmontable ! Effet désastreux qui décourage les familles, les enferment sur elles-mêmes et les font déprimer ; ce qui explique qu’elles ne répondent plus à aucune sollicitation des pouvoirs publics pour la plupart. Cercle vicieux et infernal.

Le CNAFAL propose de ne plus suspendre l’APL pour les familles vivant en dessous du seuil de pauvreté.

A l’origine, la suspension était faite pour « alerter » le locataire et obliger le « bailleur à réagir » au plus tôt, au début de la dette et non au bout de 2/3 ans, comment cela se voyait à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Aujourd’hui ce système est obsolète pour les plus précaires. Voilà une mesure de simplification administrative rapide et simple à appliquer !

 

 

Conclusion

Les logiques institutionnelles à l’œuvre depuis 20 ans dans le secteur du logement, broient les familles, amplifient la précarité, coûtent de plus en plus cher et conduisent notre société jusqu’à l’absurde dans une impasse.

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Le CNAFAL

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