Le site du Conseil National des Associations Familiales laïques (CNAFAL), association agréée d'aide aux consommateursNous connaitre
Le candidat des Républicains François Fillon a fait part, fin juin, de sa volonté de rétablir le plafond du quotient familial et d’en revenir au système qui prévalait auparavant c’est-à-dire celui qui avantageait le plus les couches moyennes supérieures 80 000-100 000 euros de salaire annuel ! C’est aussi la position de l’UFAL qui a combattu la loi Rossignol en même temps que l’UNAF!
Dans le même temps, les Associations Familiales Catholiques, elles aussi en campagne pour 2017, réclament l’abrogation de ces mesures et ressortent le vieux thème familialiste de l’entre-deux guerres : les familles nombreuses créancières de la nation !… surtout lorsqu’elles sont riches. Il est vrai qu’en novembre 1942, lorsque Pétain crée la coordination des associations familiales, seules habilitées à représenter les français, ne pouvaient adhérer que les familles de trois enfants et plus… en dessous vous n’existiez pas…
Le Conseil National de la Résistance et les ordonnances de 1945 sont le fruit d’un compromis essentiellement entre deux forces : la droite catholique vichyste et la résistance dominées par les communistes, lesquels en 1938, se définissaient comme étant « le parti de la famille » (…) et en 1945, celui-ci n’a pas trop « bougé » et Jeannette Thorez Wermersh est la grande inspiratrice d’une ligne très conservatrice en matière de famille. L’Union des Femmes Françaises ayant failli entrer à l’UNAF… !
L’universalité des allocations familiales : réalité ou escroquerie ?
Dès l’origine, « l’allocation de salaire unique », ancêtre des allocations familiales, est réservée aux femmes au foyer et est résolument nataliste et progressive en fonction du nombre d’enfants. Elle est réservée aux familles résidentes dans les communes de plus de 2000 habitants ! On estime, à cette époque, que dans les communes rurales, le travail de la femme se déroule le plus souvent dans le cadre domestique et est donc compatible avec la garde des enfants ! C’est ainsi que les femmes d’agriculteurs, les femmes de travailleurs indépendants et les femmes de chômeurs en sont exclues.
En 1945, le code de la famille privilégie un modèle familial : la famille de trois enfants et plus et la mère au foyer. (Relent vichyste encore…)
Il est à noter d’ailleurs, que la CGT et la CGT-FO, dès 1947 souhaitent l’extension des allocations à toutes les familles, que les mères travaillent ou pas ! C’est donc qu’il n’y avait pas d’universalité…
Pierre Mendès France, lui-même est sur cette position en considérant qu’il n’est pas bon d’encourager les femmes à ne pas travailler. Mais les organisations familiales et l’UNAF, fortement dominées par le catholicisme, considèrent au contraire, que c’est la pierre angulaire de toute politique familiale. On retrouvera cette constante tout au long des décennies écoulées, y compris entre 2007 et 2012. A l’AG de Nancy (2011), une partie de l’UNAF, en présence de Thomas PICKETTY, conférencier invité, complètement abasourdi, réclame la mise en place du « salaire maternel » ! C’est sous la présidence de Sarkozy que certains considèrent que le décrochage scolaire et l’accroissement de plus en plus précoce de la délinquance juvénile sont dus au fait que les femmes ne restent plus au foyer pour élever leurs enfants ! Idéologie familialiste, quand tu nous tiens !
Il faudra la loi du 6 août 1955, pour faire bénéficier les femmes d’agriculteurs de l’allocation de salaire unique et la loi du 11 décembre 1956 pour que les femmes de travailleurs indépendants en bénéficient…
On le voit, dès le départ, la politique familiale est conservatrice, figeant un modèle familial qui se situe à l’opposé des droits de la femme (égalité totale) et des droits de l’enfant (on en subit encore les conséquences), au niveau de la protection maternelle et infantile. Malgré des faits de maltraitance avérés, on continue à laisser au foyer des enfants sous prétexte de ne pas couper le lien avec la mère, comme si ce n’était pas la violence qui le coupait !
Il faudra attendre les années 1970, et la « décennie Simone Weil » pour que les choses bougent à nouveau, dans le bon sens, en matière de politique familiale.
C’est d’ailleurs dans ces années, plus exactement en 1972, que le système de l’allocation de salaire unique est cassé et que des allocations sont mises sous conditions de ressources.
D’une certaine manière, l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, l’allongement de la scolarité, l’accès massif des filles aux études, y compris supérieures, changent la donne. C’est une révolution culturelle, mal acceptée d’ailleurs par les conservateurs et les familialistes de l’époque. Par le travail, les femmes gagnent une insertion sociale et une reconnaissance autre que par l’intermédiaire de leur mari et leur procure une indépendance matérielle. Dès lors, l’architecture de la politique familiale devient de plus en plus anachronique, dépassée, synonyme d’une véritable servitude de la femme au foyer « bonne pondeuse » !
En revanche, le Quotient Familial (QF) a été créé par la loi de finances du 31 décembre 1945. Il répond véritablement à un souci de justice distributive. Il s’agit bien de rendre l’impôt sur le revenu aussi neutre que possible, en fonction des charges de chaque ménage avec enfants. C’est la solidarité horizontale, à laquelle le CNAFAL souscrit sans réserve.
Dès 1975, les allocations familiales sont généralisées, que l’on ait un travail salarié ou pas (initiative de Simone Weil). Seul inconvénient, le premier enfant est ignoré. Mais il l’était dès 1945, puisque l’option de la politique familiale est purement nataliste. On ne peut pas parler d’universalité, alors que le premier enfant est ignoré.
C’est aussi à cette époque que Simone Weil crée « l’allocation parentale isolée » pour les mères célibataires qualifiées à l’époque de « fille-mères » ou femmes de mauvaise vie, rejetées par l’UNAF. C’est seulement en 1975 que leur statut sera reconnu par l’UNAF et que, dorénavant, elles s’appelleront familles monoparentales avec une allocation d’une durée de trois ans leur permettant d’élever dignement leur enfant.
Auparavant, elles vivaient de charité, de prostitution ou si elles pouvaient, elles étaient travailleuses en usine.
Vous avez dit universalité ?
Ce que les conservateurs d’aujourd’hui oublient, c’est que la Sécurité sociale avait pour objectif de lutter contre les terribles inégalités sociales qui ont conduit la France et d’autres pays européens à se tourner vers des solutions fascistes…
De nos jours, peut-on masquer les terribles inégalités qui touchent les familles ? 8,5 millions d’entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté. En invoquant les atteintes à la famille, on masque ainsi cette réalité-là pour conserver des positions privilégiées !
Pierre Laroque, en personne, lançait dès 1969 dans le rapport du groupe d’études à long terme, sur les problèmes démographiques, constitué dans le cadre de la préparation du Plan, (commission qu’il présidait lui-même), l’idée d’une modulation des prestations familiales en fonction des ressources des familles !
On est en effet dans le cycle économique dénommé les Trente Glorieuses et à nouveau des inégalités se sont fait jour. Verser les allocations à toutes les familles uniformément, c’est donner trop peu à celles qui en ont besoin et trop à celles qui pourraient s’en passer !
De plus, ironie de l’évolution, l’uniformité induite par le système hérité des années 1950 retire « la vertu incitative » des allocations familiales si chère aux natalistes et aux familialistes, du fait de la progression du pouvoir d’achat et de l’entrée massive des femmes sur le marché du travail.
Pierre Laroque sera écouté :
Dès le 23 décembre 1970, l’allocation orphelin, donc spécifique, est créée : elle est appelée orphelin pour masquer le fait qu’elle est surtout destinée aux familles monoparentales… et sous conditions de ressources, tout comme celle mise en place pour les mineurs handicapés (loi du 13 juillet 1971 !).
Ces deux lois représentent si on peut dire, du point de vue conservateur, une très grande rupture de l’égalité des prestations par rapport au principe mis en place en 1945, quelles que soient les ressources des familles !
D’un point de vue POLITIQUE, l’Etat cesse d’encourager un modèle familial (femme au foyer et fin de l’opprobre jetée sur les familles monoparentales) ; c’est la politique des transferts sociaux en faveur des familles défavorisées qui prend le pas et la prise d’acte de l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et dans les universités (politique mise en place sous Pompidou et Giscard). Et, il ne semble pas qu’elle ait suscitée la même hargne de la part des familiaux de l’époque, qu’aujourd’hui !
Le 9 juillet 1976 est créée l’API (Allocation Parent Isolé), puis le complément familial le 12 juillet 1977… sans opposition véritable.
Question de fond et paradoxale pour les familialistes : les femmes mariées ou non, qui travaillent de plus en plus, mais avec des salaires bas (cela n’a pas bougé depuis 45 ans) cotisent comme les hommes aux différentes branches : autrement dit la femme mariée qui ne travaille pas, bénéficie en fait de prestations sociales, grâce aux cotisations de celles qui travaillent et sont souvent beaucoup plus pauvres qu’elles ! C’est ainsi que la politique familiale profite aux riches !!! C’est d’ailleurs le cas avec le QF pour les hauts revenus et c’est pourquoi le gouvernement a abaissé substantiellement le plafond pour les hauts revenus.
Incohérent et injuste, le système des aides financières aux familles a besoin d’être complètement remis à plat, telle est la question ouverte dès la fin des années 1970. C’est la raison pour laquelle, lorsque la CNAF lance en 1979 une grande réflexion sur la refonte des aides, compte tenu de la multiplicité des allocations fonctionnant sur des critères différents, le CNAFAL, par la voix de son fondateur et président de l’époque, propose pour unifier le tout, la mise en place d’une allocation universelle pour tous, de la naissance à la mort, fiscalisée qu’il dénomme salaire social à l’enfant et au jeune, puis revenu social garanti !
Dès les années 1980, la politique familiale s’infléchit vers une aide à l’enfant, d’autant que de plus en plus de couples vivent en union libre et de plus en plus de naissances ont lieu hors mariage !
L’Etat républicain et laïque s’interdit dès lors de privilégier un type de famille et l’option purement nataliste.
Aussi François Mitterrand, candidat à la Présidence de la République en 1980 annonce la création d’une allocation familiale dès le 1er enfant, conforme aux positions laïques, tout comme il n’a pas hésité à proposer d’abord de plafonner le quotient familial et le quotient conjugal, première étape vers la fiscalisation des allocations familiales et la suppression définitive des deux quotients. La crise économique et financière de 1983 l’en a empêché.
D’où le redéploiement vers les aides indirectes (garde d’enfants, ouverture de la maternelle dès l’âge de 2 ans, conciliation vie familiale- vie professionnelle). Mais aussi, la volonté de Pierre Mauroy, dès 1982, de réduire fortement la progressivité des allocations familiales en fonction du rang de l’enfant et de verser une allocation dès le 1er enfant, ce qui était dans le programme socialiste. Etaient-ils devenus fous ? Rompaient-ils l’universalité de la politique familiale ? A l’époque, jeune secrétaire fédéral du PS, je n’avais pas eu cette impression !
La crise de 1983 et la démission de Nicole Questiaux, alors Ministre des affaires sociales, stopperont ce projet. Le CNAFAL, en vertu de l’égalité des enfants, quel que soit leur rang, continue à réclamer le versement d’une allocation familiale, dès le premier enfant et la suppression de la demi-part fiscale supplémentaire au 3ème enfant.
Fiscalisation et modulation des allocations familiales : quelle tartufferie de la part des conservateurs familiaux et de la droite!
On l’a vu, dès 1970, la « modulation » est en réflexion quels que soient les protagonistes politiques. On l’a constaté, le gouvernement de Pierre Mauroy, s’est attelé à introduire plus de justice sociale dans la politique familiale.
Raymond Barre, dans les années 80 proposait la fiscalisation des allocations familiales. En 1994, le rapport Minc qui était un proche inspirateur de Balladur, devenu Premier Ministre, préconise de les mettre sous condition de ressources !
En 1995, Alain Juppé devenu Premier Ministre, devant le déficit de la Sécurité sociale, prévoit un plan d’économie draconien, où 40% des économies sont effectuées sur les politiques familiales et avec toujours la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et les soumet à l’impôt. Le Président de l’UNAF de l’époque, Roger Burnel, réagira fermement sur le plan des principes, mais sans la hargne et les discours apocalyptiques auxquels nous avons assisté en 2014 et 2015, de la part de l’UNAF et de la plupart des mouvements familiaux, à l’exception du CNAFAL.
En 1998, Lionel Jospin va s’essayer à la fiscalisation des allocations familiales, qui va se traduire par un échec du fait de la menace de mobilisation des familiaux. Une partie de la presse qualifie ces allocations, « allocation-vison » pour les hauts revenus.
En 2008 et 2010, la Commission Attali, réunie à la demande de Nicolas Sarkozy, propose la fiscalisation des allocations familiales.
Alors s’amorce, et le débat dure depuis 35 ans, de savoir quelle politique familiale mettre en œuvre et qui soit réellement égalitaire : le constat abrupt, c’est que les prestations familiales finalement sont destinées aux familles modestes et le quotient familial pour les familles aisées puisque l’abattement rapporte plus aux familles dont le revenu est supérieur à 50 000 euros par an qu’à ceux qui sont en dessous.
C’est la raison pour laquelle le CNAFAL avance la création « d’un salaire social à l’enfant » pour tous ayant vocation à devenir un revenu social garanti ; tout comme dans les débats autour du QF et du quotient conjugal, le CNAFAL avance l’idée d’un crédit d’impôt forfaitaire pour toutes les familles et égal pour chaque enfant que l’on paye l’impôt sur le revenu ou pas. (Voir l’étude d’Isabelle Gloméron Familles Laïques n°102).
Les familialistes instrumentalisent le fondateur de la Sécurité sociale, Pierre Laroque, devenu l’icône derrière laquelle on s’abrite pour distinguer politique sociale et politique familiale.
Le CNAFAL ne partage pas cette vision.
Pour Pierre Laroque, la Sécurité sociale « est un élément dans la construction d’un ordre social nouveau où serait éliminée l’inégalité dans la sécurité, l’un des facteurs essentiels des distinctions entre classes sociales ».
Pour les fondateurs et le Général de Gaulle en particulier, il s’agissait de créer une véritable cohésion sociale, par la participation de tous au financement de la Sécurité sociale et ,en particulier, du patronat, d’où la cotisation sociale d’un montant de 16,5% de la part du patronat sur la branche famille, réduite aujourd’hui à 5,35% puis 2,25%, avant de disparaître en 2017, ce que le CNAFAL n’accepte pas !
Il est autrement plus dangereux pour l’avenir de la politique familiale que le prélèvement des cotisations sociales patronales n’ait cessé de baisser à la demande du patronat (la cotisation patronale en 1945 était de 16.5% du salaire et les allocations familiales versées aux familles de trois enfants et plus, étaient l’équivalent du salaire d’un Ouvrier Spécialisé de la région parisienne) !
Dorénavant, c’est par le budget de la Nation que ce financement s’effectue et donc deviendra de plus en plus aléatoire… Mais les familialistes et, particulièrement, ceux de la branche catholique n’allaient pas attaquer le MEDEF…
Il n’en demeure pas moins que dès lors, sous n’importe quel gouvernement, la budgétisation en lieu et place du « prélèvement obligatoire » fait qu’à tout moment, la politique familiale veut devenir une variable d’ajustement du déficit budgétaire ! Voilà le vrai danger. Et d’ailleurs, Jospin a été le premier en 2000 à utiliser, entre autres, le budget logement « taillé en pièces » pour résorber le déficit budgétaire ; on connaît la suite. Depuis la crise du logement est patente !
Lionel Jospin était-il devenu un renégat attentatoire à la fameuse universalité des allocations familiales et au programme du Conseil National de la Résistance… ?
Quelle est la vraie question qui nous est posée depuis 4 décennies au sujet de la politique familiale : y-a-t-il de la justice sociale et est-elle discriminante à l’égard des familles les plus pauvres ?
On ne peut invoquer des attaques contre la famille, on ne peut invoquer le principe du « on cotise selon ses ressources et l’on reçoit selon ses besoins » (document UNAF, octobre 2014) et en même temps continuer à privilégier les hauts revenus…
En conclusion, le CNAFAL observe :
A cet égard, le CNAFAL estime que la mesure qui consiste à augmenter l’aide à l’investissement pour les crèches en faisant passer en 2014 la subvention de 8 800 € par place, à 11 000 €, est une bonne nouvelle. Mais la baisse des dotations aux collectivités locales les empêche d’investir dans ce champ là et les résultats en offre de garde ne sont pas à la hauteur attendue !
Le niveau de vie médian mensuel par personne, après impôts et prestations sociales toutes catégories professionnelles confondues, se situe à 1 630 € !
Le prochain Familles Laïques sera entièrement consacré à ce sujet. De même, il est probable que nous serons auditionnés par la Mission d’Information Famille du Sénat, à la rentrée de septembre.
Jean-Marie BONNEMAYRE
Président du CNAFAL
Membre du Haut Conseil de la Famille
Le CNAFAL
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Familles Laïques est la revue trimestrielle du CNAFAL. Elle est le reflet des positions du CNAFAL et s’appuie sur l’actualité.