Le site du Conseil National des Associations Familiales laïques (CNAFAL), association agréée d'aide aux consommateursNous connaitre
Depuis deux ans, dans le champ familial, l'affrontement idéologique est total entre le camp des laïques et le camp catholique.
C’est normal puisque ce sont deux conceptions de l’homme et de la femme qui s’affrontent, deux conceptions de la société humaine et de sa destinée, deux conceptions de l’éducation; et sur le fond c’est toujours la vieille lutte entre liberté et déterminisme, l’acquis et l’inné, l’émancipation et les progrès scientifiques contre le poids des dogmes et de la religion.
Si le fait familial est quasi universel, la notion de la famille a varié au cours des millénaires, des siècles, des pays ou des contrées, et singulièrement au cours des cinquante dernières années avec 1’émancipation des femmes et les progrès de la biologie.
Il y a longtemps que les anthropologues et les ethnologues nous ont dévoilé les filiations patrilinéaires et les filiations matrilinéaires, pour lesquels la transmission des biens, du statut ou des privilèges, se fait du frère de la mère aux enfants de la sœur de ce frère : c’est 1’oncle maternel qui est le pivot de la famille, le géniteur n’ayant qu’un rôle réduit. Claude Lévi-Strauss révèle des sociétés où l’homme ne peut épouser une femme dont il n’a jamais été l’amant, mais il sait qu’elle a été la maîtresse de ses voisins…
On pourrait multiplier à foison les exemples et les combinaisons possibles de la parenté depuis que 1 ‘espèce humaine existe. A côté la « famille recomposée » est d’une très grande simplicité et ne date pas de maintenant et elle était courante au XIXème siècle, quand les femmes mourraient jeunes et en couche…
La loi sur le mariage des personnes de même sexe a fait tomber les masques. La gauche est alors accusée de vouloir « changer la civilisation », de « chercher à détruire la famille… seul îlot de liberté où peuvent encore se transmettre les valeurs éternelles de respect, d’autorité, de mérite, d’effort, de sens de la patrie»!
Les réactionnaires ont même « inventé » le mot de « familiphobie ». C’est dire ! Déjà, à la fin du XIXème siècle, lorsque nos aïeux républicains et laïques, les députés de la troisième République ont voulu légitimer les enfants naturels ou adultérins, le député monarcho-catholique Léonce de Castelnau s’écriait à propos de la gauche : « elle livre sans aucune défense, la famille légitime à l’invasion des enfants nés d’un autre lit qui viennent se mêler désormais aux enfants légitimes par l’effet d’une vraie polygamie … » !
Redevenons sérieux, les théologiens de tout poil ont tenté et parfois réussi au cours des siècles à imposer l’idée puis à la « concrétiser » dans le droit moderne que la famille est la forme la plus naturelle des communautés. Ce qui veut dire que c’est la loi éternelle, divine qui s’inscrit dans la réalité humaine et sociale; lorsque les réactionnaires invoquent « les lois de la nature » c’est nous renvoyer à l’ordre biologique et physique des choses et donc à la légitimation des rapports entre les sexes et entre les générations. C’est aussi et au nom de la différence biologique homme/femme, que ces dernières ont été reléguées dans la sphère domestique en les renvoyant à leur infériorisation sociale et politique. C’est ainsi que dans 1’esprit des conservateurs la « famille naturelle » est identifiée à la cellule d’un couple hétérosexuel apte à procréer des enfants qu’il a conçus biologiquement. C’est au nom d’ailleurs de la « nature » que 1 ‘Eglise interdit la contraception, qualifiée d’artificielle, car elle représente pour les théologiens un « désordre » dans 1’ordre naturel des choses. En fait, c’est la famille patriarcale qui n’en finit pas de mourir. Si la famille est pour la plupart des hommes et des femmes un « cocon protecteur » , elle est aussi le lieu de toutes les névroses alimentant des milliers de romans depuis trois siècles et depuis Freud, l’objet d’études savantes… Dans l’espèce humaine, la construction de la personnalité doit moins à l’inné transmis par les gènes, qu’à l’acquis reçu par l’éducation, la culture, les expériences ! Sartre disait « l’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce nous faisons nous-même de ce qu’on fait de nous » ou bien encore plus fort et combien actuel dans le présent débat « ce que je suis, c’est ce que j’étais, puisque ma liberté présente remet toujours en question la nature que j’ai acquise »·
Nous touchons là, au cœur de la peur et de l’irrationalité qui s’est emparée des conservateurs et des religieux : la reconnaissance du couple homoparental remet en question la définition du couple, de la filiation, de la parentalité.
Que l’on fasse les enfants « naturellement » ou par «procréation médicalement assistée » ou par adoption légale (puisque dans le cas de l’adoption plénière, on « efface » à l’état-civil les parents biologiques pour asseoir la fiction d’une naissance naturelle), les enfants ne sont les nôtres que pour autant que nous les« adoptons », c’est-à-dire que nous les reconnaissons comme étant les nôtres ! C’est un choix et un engagement qui priment sur la biologie. L’adoption plénière, en un certain sens, fait la démonstration que le parent social existe depuis longtemps et 1 ‘on sait bien que de nombreux cas de stérilité masculine se sont résolus à l’intérieur des couples par « les moyens du bord » avant que la PMA n’existe et avec l’accord tacite, la plupart du temps, du conjoint ! Car sur la question de la famille on ne dénoncera jamais autant les ravages du secret, des secrets familiaux, là aussi objets de tant de romans et de films et des « non-dits » transmis de génération en génération… ! C’est la raison pour laquelle le CNAFAL est pour un « droit d’accès aux origines», non seulement pour les adoptés, mais aussi lorsqu’il y a don de gamète, de sperme, etc. Bien évidemment, en le réglementant et avec l’accord de la mère biologique aux donneurs/donneuses. Et ce dans l’intérêt de l’enfant qui a besoin de cette information pour« se construire». Tous les adoptés le disent, ils ont un besoin vital, non pas de connaître leur géniteur ou génitrice réel, mais de s’inscrire dans une histoire ! De se l’approprier. Car la reconnaissance c’est« l’appropriation ». Ce que révèle l’évolution de nos sociétés depuis plus d’un demi-siècle, c’est l’existence d’une double généalogie, de double filiation, de double parentalité. Les mœurs ont déjà entériné ce que les mentalités conservatrices refusent. Nos voisins européens ont déjà légiféré sur ces questions. Ces enfants, avec le recul de trois décennies, sont pour l’heure en bonne santé physique et morale! C’est aussi la raison pour laquelle le CNAFAL appuie totalement le projet de loi Chapdelaine/Binet.
Le combat des laïques dans le champ familial est loin d’être terminé. Notre fil conducteur, c’est toujours l’émancipation humaine et le droit au bonheur sur terre, tel que les révolutionnaires de 1789 l’avaient proclamé!
Jean-Marie Bonnemayre
Président du CNAFAL Membre du Haut Conseil de la Famille
Article tiré de la revue ENVOL n° 642 éditée par la FOL 07
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