Le site du Conseil National des Associations Familiales laïques (CNAFAL), association agréée d'aide aux consommateursNous connaitre
La Coordination Régionale des Associations Familiales Laïques de la région Auvergne Rhône-Alpes voulait avoir une approche de la Laïcité et de son implication dans les services publics. Pour faciliter sa discussion et ne pas rester en vase clos, elle a fait appel au Président de l’Observatoire de la Laïcité en Drôme-Ardèche, Monsieur Gérard Bouchet. Compte-rendu de son intervention lors de la CRAFAL du 18 novembre 2017 à Annonay.
Gérard Bouchet a commencé en précisant qu’il n’y a pas de définition officielle de la laïcité. La loi de 1905 l’établit. Il a ajouté que seul l’article 1 de la constitution y fait référence : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».
La Laïcité est un principe juridique qui organise les rapports entre les Églises et l’État en assurant la liberté de conscience individuelle et la liberté collective de pratiquer un culte. Ce principe prend appui sur une vision de l’homme comme être rationnel, perfectible, capable de s’autodéterminer et de choisir librement ses règles d’action. Cette vision s’oppose à celle des religions qui entendent soumettre l’humanité aux injonctions des règles dictées par Dieu au cours d’une Révélation et interprétées par les clercs.
Les religions, et les Églises qui les administrent, n’admettent pas la liberté de conscience et la rationalité de l’humain. S’engage donc un conflit entre elles et la laïcité puisque leurs principes philosophiques respectifs sont incompatibles et probablement inconciliables. Ces rapports de force aboutissent à des compromis juridiques, résultats des rapports de force à un moment donné. Par exemple : En 1882, la majorité de l’assemblée (Radicale) décide de ne plus enseigner le catéchisme à l’école, mais laisse le régime du Concordat en place. Il faut encore attendre 23 ans pour que les députés votent la loi de séparation de l’église et de l’état.
La laïcité dans la réalité : quelques difficultés constatées
– Les Services Publics doivent répondre aux besoins essentiels des citoyens, de tous les citoyens : besoins de sécurité, de santé, d’éducation, d’information. Ils doivent donc être neutres et égaux pour tous. Aucune manifestation des convictions religieuses ou politiques de la part des agents des services publiques ne saurait être admise. Mais le droit pour les usagers des services publics de porter des signes religieux est licite.
Le cas particulier des élus. Ils peuvent afficher leurs convictions religieuses, si toutefois cela ne crée pas de désordres (signes ostentatoires portés par les candidats aux élections par exemple). Mais leur présence es-qualité dans des manifestations religieuses est controversée. Elle constitue une forme de reconnaissance de fait de ces religions, ce qui est contradictoire avec le principe : la République ne reconnaît aucun culte.
– A l’école. L’école est ouverte à tous, quel que soit le sexe, l’appartenance religieuse ou philosophique, quel que soit le lieu. Elle est neutre, religieusement et philosophiquement. Le problème des collaborateurs occasionnels tels celui des mamans voilées accompagnatrices du Service Public est posé, car l’État se dédouane en ne promulguant pas de règles fermes : il laisse aux responsables de terrain la décision qui peut varier selon les divergences d’appréciation. De fait, toute personne qui assume une fonction de service public à l’école devrait se trouver astreint à l’abstention. Pour les enfants, les mamans intervenant sont de «aides de la maîtresse». Surtout dans les zones où la majorité des enfants est reliée à un communautarisme.
Un des buts de l’école est la formation à l’autonomie de pensée et à l’aptitude à prendre des décisions : on est là en opposition totale avec les dogmes religieux. L’école peut-elle exercer pleinement sa mission si l’enfant y vient en affichant un signe d’appartenance à une obédience religieuse ? L’intervenant pense que non et justifie la loi de 2004 sur le refus des signes religieux ostensibles en milieu scolaire.
Restauration scolaire : pour le juge administratif, la cantine n’est pas obligatoire donc il n’y a aucune contrainte pour la mairie. À la cantine, si on sépare les enfants qui ont une nourriture différente des autres, on crée une ségrégation de facto. C’est interdit.
– La question des bâtiments. Les bâtiments publics sont des lieux neutres. Pourtant, certains cherchent à y placer des signes religieux : crèches de Noël par exemple. La situation est ambiguë. La justice a autorisé certaines crèches et en a refusé d’autres!
Mise à disposition de locaux municipaux. Cette mise à disposition ne peut pas être refusée pour un usage culturel. Mais l’usage est différent s’il l’est à titre gratuit ou payant. Payant, il devient un lieu privé. A titre gratuit, cela devient une subvention. Il faut donc rechercher la nature de l’utilisation du lieu, le but réel de l’activité pour établir s’il s’agit d’une action cultuelle ou culturelle.
Le rapport de force Églises/État évolue sans cesse. Des élus de tous les bords reculent devant le religieux. Ainsi, à la suite du refus de l’Église catholique de constituer les associations cultuelles locales auxquelles la loi de 1905 prévoyait de remettre les lieux de culte (nationalisés par la Révolution française), les collectivités publiques sont restées propriétaires des églises et chapelles (les communes) et des cathédrales (l’État) et doivent en assurer l’entretien. L’usage de ces bâtiments reste réglé par le clergé. Une loi de 1907, puis un «accord» en 1924 actent la renonciation de l’État à appliquer sa loi de Séparation avec les Églises. De fait, celui-ci subventionne sur fonds publics une religion en entretenant ses lieux de culte.
Les crédits d’États ou des collectivités ne doivent pas financer les activités des associations cultuelles, mais celles-ci «habillent» leurs pratiques cultuelles dans des activités sportives ou culturelles, ce qui permet de passer outre l’illégalité des contributions publiques.
Quelques exemples :
– Subvention pour l’achat ou la réparation d’un orgue dans un lieu de culte, sous prétexte de leçons de musique ou de possibilités de concerts.
– Subvention pour la construction de l’ascenseur de la basilique de Fourvière à Lyon, car ce serait un enrichissement du patrimoine culturel.
– Acceptation de la construction d’abattoirs provisoires pour les fêtes musulmanes, pour des raisons d’hygiène.
– Manifestations religieuses sur la voie publique : déclaration préalable sauf pour les processions catholiques, c’est la tradition !!!… imposer un itinéraire, refuser pour des raisons de sécurité…
– Gestion des cimetières : par principe de neutralité, les carrés confessionnels sont désormais interdits. Néanmoins, il existe des regroupements non matérialisés (notamment pour les familles musulmanes qui ne peuvent faire rapatrier les corps des défunts). Mais le Maire doit prouver qu’il y a opportunité et ne peut les ouvrir que sous le contrôle d’un juge.
– La non mixité dans certaines activités : la demande de séparation entre hommes et femmes est interdite. Toutefois, trois exceptions sont à noter : la protection contre les violences sexuelles, les conditions de respect de la vie privée et de la défense et la liberté d’activité des associations sportives spécifiques (exemple club de foot de filles à la piscine).
Les demandes de cours réservés aux femmes pour idéologie religieuse restent interdites. Idem pour les piscines.
Le débat a ensuite amené à quelques réflexions :
Principes et réalités : on note de mauvaises appréciations des politiques ou autres (journalistes…) qui détournent un principe laïque en lui affectant des adjectifs qui le dénaturent : laïcité ouverte, compréhensive, de liberté … La tradition ne suffit pas pour justifier certains actes, mais beaucoup de politiques confondent laïcité et œcuménisme.
L’égalité homme-femme est au cœur de la laïcité. Les trois religions monothéistes considèrent la femme comme inférieure à l’homme d’où suit l’obligation d’obéissance au mari, aux frères. Il y a bien incompatibilité de fond des religions avec le principe premier de la laïcité : égalité entre tous sans distinction de couleur, sexe, situation sociale, etc… La question du droit des femmes est un point majeur de la contradiction entre le religieux et le laïque.
La Loi Debré autorise les congrégations religieuses à enseigner en recevant des aides de l’État : les établissements scolaires de l’enseignement catholique sont agréés par l’État et doivent donc se soumettre aux instructions du ministre de l’éducation, mais ils reçoivent AUSSI des lettres de missions des évêques qui transgressent totalement les principes de laïcité : ces lettres mentionnent que les projets de ces écoles « doivent se nourrir des principes ecclésiastiques » !!!
Il nous reste quelques questions à peaufiner :
– Qu’est-ce qu’on peut faire en tant que laïques ?
– Quelle est notre position par rapport aux mamans voilées ?
– Comment lutter contre la loi Debré ? Et la loi Carle ?
– Quel rapport de force a-t-on aujourd’hui pour imposer une école laïque ?
Nicole Damon
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