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Immigration

Se faire la valise ! Le drame des exilés …

Ils ont fui la misère, la peur et l'horreur. Chez eux, comment se sentir encore chez soi quand plus rien ne tient debout, que des fous se réclament d'un Dieu pour imposer un ordre inique, un état monstrueux, une chape de plomb et de haine ? Ils n'ont plus ni place ni espoir. Alors, la fuite est leur ultime issue, la porte de salut ou bien de sortie.

Illustration de NAGY

    Ils ont mis tout ce qu’ils pouvaient emporter dans une malheureuse valise : un pauvre réceptacle à détresse, un contenant dérisoire pour un continent qu’ils fuient sans savoir vraiment où ils iront. Quelques effets, des vêtements d’un pays chaud pour aller vers ce nord dont ils ne savent rien. Ils n’y a place ni pour les jeux, ni pour les souvenirs, ni même simplement pour le nécessaire.

    La valise est là, fermée sur un sort qui n’est pas encore scellé. Pauvre objet dérisoire qu’il faudra porter à se tordre le dos, des heures durant, dans l’angoisse interminable des chemins incertains, cahotants, poussiéreux de sable brûlant. Objet du départ, cette valise finira éventrée, écornée, malmenée ou bien envolée. Il faut pourtant, jusqu’au bout, s’y accrocher comme à une bouée de secours.

    Une famille pour une seule valise, une malle qu’il faut porter à la force du poignée. Elle n’est pas de ces monstres occidentaux qui roulent à la suite des voyageurs repus. Celle-ci pèse le poids des rêves qu’on y a glissés, des illusions qui vont se perdre dans les périls multiples, les réseaux honteux des bandits de tous les destins.

    Planche de salut, la valise signifie la décision prise : ce départ, préférable à la mort sur place, pourtant prometteur de la mort plus loin. Ils le savent : elle est aussi ce tombeau qui emporte pour le dernier voyage les quelques souvenirs qui ont pu fuir. Qui donc un jour l’ouvrira enfin pour la vider ? Un détrousseur d’exilés, un douanier tatillon, un enquêteur pour identification des victimes ? Il est peu probable que les fugitifs connaissent un jour ce bonheur de remettre dans une penderie ces quelques hardes disparates !

    Les filières se succèdent. La valise suit les péripéties et les attentes. Elle est d’un précieux secours : elle sert de siège quand le temps s’étire dans des haltes qui n’en finissent pas. Elle est devenue le dernier luxe qu’ils peuvent s’offrir. Toutes leurs richesses ont été ponctionnées par les marchands du passage ; ce qui leur reste est là, dans cette pauvre valise de cuir.

    Puis c’est le dernier saut : le plus terrible, le plus risqué. Ils montent tous les quatre dans un navire, un rafiot plus précisément. Un bateau au bout de sa vie, de rouille et de misère. Ils savent qu’ils remettent leur pauvre existence entre les mains de matelots qui peuvent les abandonner au milieu de cette mer, vaste tombe silencieuse.

    Pourtant, ils n’ont pas le choix. Les dés sont jetés, ils fuient cette Afrique qui est, elle aussi, un navire en détresse, un continent à la dérive. La vie, si elle doit continuer, ne peut s’imaginer que de l’autre côté, dans cette Europe de la prospérité supposée. L’enjeu vaut ce coup du sort, ce jeu de roulette russe. La vie ou les abysses …

    Ils prennent la mer, reverront-ils un jour une terre ? Ils s’arqueboutent tous les quatre, se serrent contre leur valise. Ils voient un elle ce foyer ultime qui fait encore d’eux une famille. Les deux enfants comprennent-ils vraiment les silences de leurs parents, ce voyage qui se déroule sans un mot ? Ils perçoivent la gravité du moment, eux aussi se taisent, dans l’attente du pire.

    Et il finit par arriver. Des hommes, ou plutôt des monstres, les jettent à l’eau. C’est la fin du voyage, la fin d’une existence qui ne valait sans doute pas la peine d’être vécue. Pourtant le père s’est accroché à la valise, ultime défi, dernier sursaut de l’énergie du désespoir. La mère a agrippé ses enfants, elle ne veut pas périr loin d’eux …

    Et le miracle a lieu : la valise devient un frêle esquif. La famille a pu trouver refuge sur ce radeau incertain.Elle a deux rames, cadeau miracle de la divine providence, cette illusion qui fait croire aux autres, tous ceux qui sombrent pour toujours, que ce qui leur arrive, c’est Dieu qui l’a voulu au nom d’un dessein qu’il serait seul à maîtriser. Les naufragés vont dériver au gré des courants et des vagues, de la faim et de la soif. La valise les conduira au bout du voyage, là où personne ne les attend, où nul ne les désire, où aucune main ne se tendra …

    Il faudra continuer à se cacher, traîner la valise, d’ailleurs en encore plus loin, toujours recommencé. Ils sont exilés, apatrides, fuyards, survivants, rejetés, étrangers, ignorés … Ils ont, depuis bien longtemps, depuis leur départ, quitté la fraternité des humains. Ils sont bêtes traquées, toujours sur le qui-vive, jamais en sûreté tandis que nous, nous vivons le confort de notre indifférence sereine.

    Valisement leur.

    Texte de NABUM

    Illustration de NAGY

    Le CNAFAL

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