Familles Laïques

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Politique familiale

Politique familiale, natalité, démographie

Petit rappel historique Le CNAFAL, dès sa création, en 1967, conformément à ses fondamentaux laïques, s’est toujours inscrit dans une philosophie de liberté des couples et de la femme, par rapport à la procréation.

    C’est ainsi que nous avons mené les grands combats en faveur de la reconnaissance des couples homoparentaux de la PMA, de la GPA, de l’égalité homme/femme, du droit des handicapés à la sexualité… Nos aînés ont mené les combats en faveur de la contraception (pilule) et le droit à l’avortement.

    L’UNAF, bien évidemment, à chacun de ses combats pour la liberté, s’est rangé du côté des conservateurs. Les archives du CNAFAL, en portent les traces : c’est ainsi qu’en 1998, seul le CNAFAL a soutenu le PACS. Même posture de l’ensemble de l’UNAF, lors du débat sur la loi sur le mariage pour tous. Même posture pour la PMA et la GPA. Mais la crainte de rétorsions de la part du gouvernement (baisse du Fonds spécial, voire restructuration de l’UNAF, rend prudent au final, la position de l’UNAF. Souvenons-nous du départ forcé, pour ne pas dire exigé de François Fondard…

    Le positionnement de l’UNAF, sur les problématiques de la démographie et de la natalité, est séculaire. Les premiers mouvements familiaux naissent en 1875. C’est ainsi que « l’Alliance pour l’accroissement de la population française », est créée en 1896, par Jacques Bertillon (père spirituel du mouvement familial). En 1907, « l’Alliance départementale des pères de familles nombreuses » se créent dans de nombreux départements. Puis en 1908, « La Ligue populaire des pères et mères de familles nombreuses ».

    Déjà, ces associations militent pour qu’une allocation soit accordée à tous les pères de familles, à partir du 4ème enfant. De là, date aussi le slogan « les familles nombreuses sont les créancières de la Nation, au nom des enfants qu’elles lui donnent ».

    On a la trace de cette « prime » aux familles nombreuses, avec le suffrage familial, qui accorde une voix supplémentaire à partir du 3ème enfant.

    Les natalistes, dès 1913, prônent un nouvel ordre politique, démographique et social, où la paternité doit être assimilée au devoir militaire et les femmes doivent absolument enfanter. En 1916, Edouard Jordan crée la « Ligue pour le relèvement de la natalité française ». En 1917, Paul Bureau crée « la plus grande Famille », qui aura des milliers d’adhérents et qui met au premier plan « la défaillance de la morale religieuse », idée qui va se perpétuer dans le mouvement familial, jusqu’aux années 2000, avec le débat sur le PACS et la « loi sur le mariage pour tous ». Je n’oublie pas les slogans de la droite réactionnaire et cléricale, parlant des « couples improductifs » (SIC).

    Dès lors et jusqu’à nos jours, Natalisme et Familialisme, sont les « deux mamelles » dominatrices de l’Institution Familiale, au moins jusqu’aux années 2013 et au départ de François Fondard (2016).

    Jusqu’à ces années-là (2000), la France catholique réactionnaire et anti-républicaine, dénonce les méfaits de l’individualisme révolutionnaire, l’affaiblissement de l’autorité du père sapée par les principes égalitaires de l’héritage… et l’école publique. Les natalistes associent famille, sens moral et nationalisme. Ils auront leur heure de gloire, avec Vichy.

    C’est vraiment à partir des années 1970, que des ouvertures s’opéreront avec la reconnaissance des familles monoparentales, puis plus récemment, l’APGL, mais non sans réticences. Les familles recomposées ont petit à petit imposé indirectement, la notion de la pluri-parentalité.

    Aujourd’hui, il y a bien une recomposition de la généalogie des familles, mais aussi l’invention de nouvelles logiques parentales, que ne veut pas voir l’UNAF et qui fait qu’elle est de plus en plus hors sol, désuète, désinstitutionnalisée, arcboutée sur des dogmes hérités du XIXème siècle, comme le suffrage familial, symbole même du mouvement nataliste et familialiste. Rappelons que 4 mouvements à but général, ont réclamé son abolition, en présence de Madame Rossignol, Ministre à la Famille. L’UNAF, présente, est restée muette par la voix de sa présidente. L’ostracisme, à l’égard des laïques, n’en étant qu’une de ses manifestations.

    B)  Bilan démographique 2020 : l’analyse du CNAFAL

    L’UNAF a publié plusieurs notes et études sur la question démographique, l’évolution de la fécondité, avec des commentaires alarmistes, qui ne sont pas nouveaux, depuis une décennie (les derniers en date, étant l’enquête de juillet 2020 et l’étude de janvier 2021).

    En effet, l’UNAF déplore un bilan démographique, qui pour la 6ème année consécutive, est en baisse avec une fécondité de 1,86 enfant par femme. Alors, que semble-t-il, le nombre d’enfants souhaités serait de 2,39.

    L’UNAF, dans son analyse, constate, à juste titre, que la baisse de la fécondité touche tous les principaux rangs de naissance, mais ne pousse pas la réflexion plus loin, sinon en réclamant un renforcement de la politique familiale et toujours plus d’argent, comme si on faisait de nos jours, des enfants pour de l’argent.

    Il est vrai aussi que l’équilibre général de la reproduction sociale, dans son ensemble, y compris les retraites, repose depuis 1947, sur une natalité suffisante, sinon le système était déséquilibré. Ce sera le recours massif aux assurances privées, qui dominera.

    Cela dit et le CNAFAL peut y souscrire, l’UNAF souligne à juste titre, que la réalisation du désir d’enfant, dépend, selon l’enquête, des conditions matérielles et financières, tel qu’un logement adapté et des ressources stables, auquel le CNAFAL ajoute le pouvoir d’achat.

    Cependant en 2019, la France est encore en Europe, le pays qui a le taux de fécondité le plus élevé !

    Pour le CNAFAL, il faut aussi ajouter à ce constat européen, que seuls en 2010, 5% des hommes et des femmes de notre pays ne voulaient pas expérimenter la parentalité…

    Il faut donc approfondir certains paramètres :

    1.  Pour le CNAFAL, l’insécurité économique renforcée par le tournant libéral de ces 30 dernières années, est en cause !

    • Le capitalisme a imposé à la masse des travailleurs et travailleuses, une désynchronisation des temps : décalés dans la journée, travail de nuit, travail le dimanche, dont beaucoup de femmes dans les services.
    • Auquel il faut ajouter du travail fractionné dans le commerce et les services, et des temps incomplets (semaine de 30h).
    • A cela, il faut ajouter aussi les trajets domicile/travail, de plus en plus longs et pas seulement en région parisienne. En province aussi, de ville en ville, il y a de plus en plus de déplacements avec une moyenne générale de 90 minutes par jour, consacrées au transport et qui grève d’autant plus le pouvoir d’achat ! A tel point, qu’il y a une quête générale de changement de travail, de changement d’horaire !

    La précarité qui en résulte, produit une fatigue générale (physique et mentale), stress peu propice à un projet d’enfant ! Dans les classes populaires, mais aussi dans les couches moyennes de la population, elle accélère l’érosion de la natalité.

    • On pourrait aussi ajouter la paupérisation de la fonction publique, le recours massif aux contractuels, qui font que cette stabilité recherchée, est en train de disparaître, se cumulant avec l’érosion financière, subie ces dernières années !

    2.  Un problème de classe sociale face à la naissance. Avoir des enfants pénalise les femmes au travail et surtout les employées et les ouvrières

    • L’égalité salariale est encore loin d’être acquise et un différentiel de 20% existe encore à travail et qualification égale.
    • L’INSEE a chiffré le coût d’un enfant sur le salaire de la femme, à moins 25%, parce que c’est elle qui choisit le plus souvent le temps partiel pour élever l’enfant.

    Autre écart mesuré par l’INSEE, en 2018 :

    • Les femmes cadres restent inactives à 90%, après la naissance, même si 41% choisissent de réduire leur activité.
    • Les ouvrières restent actives à 54% !
    • 31% des femmes, sont à temps partiel, contre 4% des hommes.

    Conclusion :
    Ce sont les responsabilités familiales, qui reposent encore sur les seules épaules des femmes.

    3.  Changement des mentalités, répartition des tâches au sein du couple, indépendance des femmes et accession aux études supérieures

    • Pour les jeunes femmes de 20/35 ans, on se réalise autrement que dans la maternité (du moins dans les couches moyennes et supérieures de la population, ou pour celles qui ont des parcours scolaires méritants). La réussite scolaire était toujours gage de promotion sociale, même dans les couches populaires, d’où l’importance de l’école publique, que le régime libéral est en train de saccager. Pour celles qui sont en échec scolaire, ou issues de couches populaires, le schéma ancien fonctionne dès l’âge de 20 ans, maternité, mariage ou pas (d’où aussi la problématique des familles monoparentales, la plupart du temps en situation de grande précarité).
    • Un autre point sensible, c’est la répartition des tâches à l’intérieur du couple : trop d’inégalités subsistent encore. Dans les années 1980, les pays qui présentaient le plus faible taux d’emploi féminin affichaient la fécondité la plus forte (sud de l’Europe). Aujourd’hui, c’est l’inverse ! Les femmes ont plus d’enfants dans les pays où leur taux d’emploi est élevé, où leurs salaires tendent à l’égalité avec leurs collègues masculins et là où la conciliation vie familiale/vie professionnelle est une réalité.
    • Soins, maternage, ménage, courses, entretien de la maison, propreté. C’est une charge lourde, dévoreuse de temps, où le partage est essentiel. Les femmes ne veulent plus faire des semaines de 70 heures ! Surtout si on rajoute, pour celles qui travaillent, comme on l’a vu précédemment, les temps de trajet. On peut y ajouter aussi la sécurité de l’emploi qui, particulièrement, pour les femmes, est primordiale.

    Conséquences de ce constat :

    L’offre d’accueil de la petite enfance doit s’ajuster en permanence à ce mode de vie et à la demande des couples, avec une meilleure implantation, une souplesse d’horaires : halte-garderie, crèche d’entreprise ou d’administration, de collectivités locales. La question des horaires doit être intégrée à cette problématique, en terme de respect de la chronobiologie des enfants et des parents.

    4.  L’allongement des âges et des générations

    • Aujourd’hui, l’âge moyen d’accouchement pour les femmes est de 30,5 ans et cette moyenne ne cesse de reculer pour plusieurs raisons :
    • Massivement, les femmes effectuent des études supérieures et y gagnent aussi leur autonomie et indépendance. Elles ne sont plus tributaires d’un mari ou compagnon « gagne-pain » !
    • Elles ont de l’ambition en terme de carrière professionnelle et c’est normal !
    • Un changement de conception de la vie et de la « mise en ménage », à relier avec l’espérance de vie qui s’allonge : de plus en plus les jeunes femmes font des études supérieures et leur indépendance est liée à leur place professionnelle. C’est un acquis des dernières décennies. De fait, « la mise en couple » ou « en ménage » durable, s’effectue de plus en plus tard et recule d’autant l’âge moyen de la 1ère maternité : 30,5 ans aujourd’hui et celui-ci ne cesse de reculer !

    Ce constat télescope un paramètre important, qui fait que la fécondité diminue pour les femmes, à partir de l’âge de 30 ans… mais c’est aussi « l’âge pivot », à partir duquel les jeunes commencent à asseoir leur carrière !

    Il n’est pas question, pour le CNAFAL, de porter un jugement moral ou autre, sur un fait sociologique et démographique ; il s’agit de le prendre en compte !

    5.  La vie urbaine et singulièrement dans les grandes villes, n’est pas favorable à la rencontre (sinon furtive). Métro, boulot, dodo, individualisme, solitude, dépressions courantes en milieu urbain. (Paris compte 36% de célibataires, Londres 56%, Los Angeles 58%). Les conditions de vie ne sont pas favorables à la procréation.

    Le libéralisme engendre l’individualisme qui, de fait, rend la présence de l’autre, problématique ! Comment avoir un conjoint durable ? Place de l’enfant ? Perçus comme une entrave à la liberté. Un frein à la progression de carrière, du pouvoir d’achat, dévoreur de temps ? Dans une société de loisirs narcissique et égoïste, sur fond de la quête d’un emploi stable et épanouissant ?

    A moins que l’ensemble de ces évolutions, de ces aspirations, soient les prémisses d’une autorégulation de l’humanité ? Point de vue laïciste ? ! En tout cas, la question se pose et l’Homme et la Femme ne maîtrisent pas tout !

    Ne pas oublier que concevoir un enfant, c’est aussi faire un pari sur l’avenir ! C’est une projection optimiste sur le devenir du monde ! En général, pendant les guerres et les crises économiques, la natalité régresse, puis repart en période de paix (voir la France à partir de 1947), aidée par une politique familiale.

    Il faut aussi souligner deux éléments à cette réflexion : l’ensemble de l’Europe subit ce recul démographique (taux moyen de fécondité : 1,6 enfant/femme).

    Le contexte économique, social : montée de la précarité, de l’instabilité, des défis écologiques, la conciliation des temps, la précarisation de la jeunesse (voir dernier numéro de Familles Laïques). Une donnée récente de l’INSEE et nouvelle, car pour la première fois, les chiffres des IVG ont été croisées avec les données fiscales, fait apparaître que ce sont les femmes les plus précaires, qui recourent le plus souvent à l’IVG. Et c’est la confiance en l’avenir et notre projection, notre vision de cet avenir, qui fait le désir d’enfant !

    Conclusion :
    On est loin des discours, soit pleurnichards et déploratoires, soit imprécateurs de l’UNAF. Poser les problèmes de fond des orientations économiques et sociales, est devenu un impératif.

    Jean-Marie Bonnemayre,
    Président du CNAFAL.
    Ancien Président de la CAF du Territoire de Belfort.
    Ancien Président de l’UDAF 90.
    Membre du HCF, depuis 2011.
    Ancien Vice-Président de l’UNAF – 2001/2013.

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