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Les valeurs de la République – Histoire et actualités

Intervention de Jean-Marie Bonnemayre, à la Conférence des Mouvements le 19 mai 2015

Je vais essayer de procéder par « petites touches ». Tout d’abord, rappeler le contexte : après les attentats des 7 et 11 janvier dernier, le Président de la République a souhaité mobiliser tous les « corps intermédiaires » et les assemblées. C’est ainsi que la ministre de la Famille a réuni l’UNAF et les Présidents des Mouvements familiaux à recrutement général, le 15 janvier dernier, pour les entendre et les écouter.

L’ordre du jour est dans la continuité de cet appel et à la demande du Président Fondard.

En premier lieu, un état des lieux qui vaut ce qu’il vaut, puisqu’il s’agit d’un sondage IFOP, pour le site Atlantico, sur les valeurs de la République : 65% des français ne sont plus sensibles aux termes « République » et « valeurs républicaines », alors que l’on en a jamais autant parlé. Ce sondage, publié le 10 mai dernier et alors que la « marche républicaine » de janvier a fait l’objet d’un consensus interroge.  Ces mots ont-ils été trop utilisés ? Trop galvaudés ? Puisque un tiers des français(es) se disent encore sensibles à ces termes-là. Il est à noter que cette « méconnaissance » traverse les 2 grandes familles de l’échiquier politique. Sous l’angle socio-professionnel, 49% des cadres et des professions libérales, se disent sensibles à la thématique « des valeurs de la République », contre seulement 29% des ouvriers et des employés. Ce qui tendrait à confirmer l’analyse d’Emmanuel Todt dans son ouvrage « l’après Charlie ».

Sous l’angle du CSP, le clivage est patent : plus on est diplômé, plus on est sensible à cette thématique. Ceux qui ont un diplôme égal ou inférieur au Bac, se déclarent insensibles à cette thématique.

Sous l’angle de la laïcité, là aussi des hiatus se manifestent dans ce sondage. Si la laïcité est plébiscitée massivement par les français (es), 74% jugent qu’elle est en danger. C’est que selon les analystes de l’IFOP, se dessine depuis quelques années, un basculement de la laïcité de la gauche vers la droite. Il est vrai qu’au cours des deux dernières décennies, une fraction importante de la gauche a été gênée par la laïcité, certains n’hésitent pas à en faire un problème, parce qu’elle ne permettrait pas d’assurer la pleine reconnaissance du culte musulman. Mais la loi de 1905, rappelons-le, ne reconnait, ni ne subventionne, aucun culte. Certains extrémistes relayés par des intellectuels, vont même jusqu’à prétendre que la laïcité est une barrière discriminatoire ! Il y a donc un grand trouble, mais le débat aujourd’hui, n’est pas centré sur la laïcité, même si la laïcité fait partie des valeurs de la République.

Aussi, je souhaiterais effectuer quelques rappels historiques :

Citoyen vient du latin « civitas », qui veut dire « condition de citoyen », « droit de cité ». La cité chez les grecs s’était la communauté politique, dont les membres s’administraient eux-mêmes. De la cité grecque, datent les balbutiements de la démocratie. L’organisation de la cité se marque par l’existence d’une Assemblée du peuple appelée « ekklesia » souveraine en théorie et où siègent tous les citoyens.

La Cité Romaine va amener toute une série de distinctions dans l’octroi de la citoyenneté : le droit de cité romain est réservé à ceux qui résidaient dans l’ « urbs » ou dans une colonie romaine. Ce droit se transmettait héréditairement. La « Res publica », c’est « la chose publique », c’est-à-dire toutes les affaires de la Cité. Le droit romain ne codifiera jamais la citoyenneté qui est le produit d’une longue sédimentation, qui va de l’évolution de Rome, à la constitution de l’Empire romain.

Les romains firent de la citoyenneté un élément d’intégration à l’empire, à la différence des grecs, pour lesquels la citoyenneté était très difficile à acquérir.

Mais la notion de citoyenneté s’affirme véritablement avec la Révolution Française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le citoyen est défini dans la Déclaration, comme celui qui participe au « Souverain », c’est-à-dire en 1789, la Nation et encore plus à partir du 21 septembre 1792, avec l’abolition de la monarchie.

Dans la République, le citoyen c’est le sujet de droit, c’est l’idée d’un être humain en général. La citoyenneté n’existe pas, si le peuple est sans droits. La constitution du peuple en souverain exige la participation à la production et à la transformation de la loi !

L’Assemblée constituante a reconnu, au fur et à mesure de ses travaux, l’accès à l’entière citoyenneté des protestants, puis des juifs, puis des hommes de couleur libres, puis des tziganes, puis enfin des comédiens. Les femmes ont été oubliées, malgré Olympe de Gouges (Déclaration des Droits de la Femme, 1791) et Condorcet. La Révolution Française expérimente aussi la démocratie directe avec les Clubs, les assemblées de section, les clubs qui discutent et préparent les textes que les députés présenteront par la suite, à l’Assemblée. Le droit de pétition et de délégation est quasiment permanent : il y a là, une pratique civique qui dépasse la « démocratie  de délégation ».

Que retenir de cette époque ?

  • Elle inscrit le citoyen au centre du corps politique.
  • Elle affirme la volonté générale contre les volontés particulières.
  • Elle produit des droits inaliénables.
  • Elle protège ces droits.
  • La République fonde d’entrée le droit au plein usage de la raison, au droit à l’instruction, le droit à l’assistance et à la solidarité, à la protection contre la déchéance économique.

La IIème République assoit la notion de suffrage universel, mais les femmes en sont toujours exclues. Les républicains veulent une République fraternelle ; la devise Liberté-Egalité-Fraternité est adoptée en 1848. Mariane symbolise la République, et le lien quasi-charnel avec les citoyens. C’est l’idée de « nationalisation » et de démocratie sociale commence à émerger avec le « solidarisme ».

Le 18 mars 1871, naît la Commune qui « invente », avant l’heure, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’école laïque, gratuite et obligatoire, la gratuité de la justice, l’élection des juges et des hauts fonctionnaires, l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes, la révocabilité des élus.

La IIIème République, proclamée en 1875, relance le processus républicain ; on lui doit les lois sur la liberté de la presse (1881), de réunion (1881), la loi instituant les communes avec élection des maires et des conseils (1884), la loi sur les syndicats (1884), les grandes lois de Jules Ferry, la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la première loi de protection de l’enfance et tant d’autres, qui marquent de réelles avancées.

La République prendra vraiment un contenu social avec les accords Matignon de juin 1936 : principe de délégués ouvriers dans les entreprises, conventions collectives de travail, droit aux congés payés, synonyme de droit au temps libre !

Le Conseil National de la Résistance et le rétablissement de la République, vont produire de grandes avancées en matière de droit social et de démocratie sociale : c’est la création de la Sécurité sociale, avec ses 3 branches, dont le lancement d’une politique familiale décisive pour le redressement de la démographie française, les comités d’entreprises voient le jour, de droit de vote est accordé enfin aux femmes.

La Constitution adoptée affirme la République démocratique, laïque et sociale.

La IVème République chute parce qu’elle ne comprend pas l’inéluctable émancipation des peuples…

La Vème République naît en réaction à l’impuissance de la 4ème République et affirme la prééminence du Président de la République, clé de voute des institutions et son élection au suffrage universel. En valorisant la fonction présidentielle, la nouvelle constitution dévalorise la fonction parlementaire ; la pratique constitutionnelle a pour effet de multiplier les projets de loi gouvernementaux, les décrets, les ordonnances, la pratique « outrancière » du « fameux 49-3 » ; la saisine du Conseil constitutionnel, qui a représenté un progrès et un contre poids, notamment avec l’introduction récente de la QPC (Question Préalable de Constitutionalité). Elle abuse aussi des comités d’experts et de juges qui tendent à rabaisser la loi au profit du règlement, le législateur au profit du juge. Mais au cours des 40 dernières années, l’Etat va déléguer sa compétence à des autorités de régulation, à des agences nationales (il y en aurait plus de mille !) à des établissements publics, à de hautes autorités,… confisquant un peu plus le pouvoir aux parlementaires, aux élus du suffrage universel.

Cependant la Vème République verra la reconnaissance des sections syndicales d’entreprisse en 1968, l’abaissement de l’âge électoral en 1974 à 18 ans, la liberté de contraception et le droit à l’avortement en 1975, le droit individuel d’expression à l’intérieur des entreprises, avec les lois Auroux de 1982.

Une conception plus large de la citoyenneté se développe avec l’idée qu’elle doit pouvoir s’exercer partout, même dans des lieux où elle était interdite ou réglementée (entreprise, armée, police). Des droits nouveaux sont mis en place dans le domaine du logement, de la consommation, de l’éducation, dont l’UNAF bénéficie largement aussi.

Enfin, la place des femmes, leur égalité sociale et économique, s’étendent et conquiert dans tous les domaines.

En résumé, que retenir de ce « balayage » des 230 années écoulées :

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la loi constitutionnelle du 3 septembre 1791, qui reconnaît la liberté de conscience, par le fait que chacun (e) peut exercer le culte auquel il est attaché.

Après avoir marqué quelques points de repères en ayant tenté de rester le plus neutre possible pour pouvoir ouvrir la discussion.

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Par la suite dans la discussion très riche et diverse, sont venues les questions du vote à la proportionnelle, du vote obligatoire face à l’abstention qui croît, la question de la décentralisation et de la réforme territoriale, la question de l’Europe, la professionnalisation de la politique, le renouvellement du personnel, le cumul des mandats, la question de la représentativité, la transmission des valeurs de la Répblique, les systèmes de contrôle par rapport à la multiplication des agences, des hautes autorités, etc.

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En conclusion, Jean-Marie Bonnemayre a souligné la fragilité de la République :

Les Républiques peuvent mourir ou s’effondrer : par exemple en 1940 et 1958. La République par le passé, a déjà vécu le terrorisme et les attentats ; entre 1800 et 1894, 34 attentats politiques sont réalisés ; entre 1892 et 1894, une série d’attentats anarchistes secoue la France ; en 1934, Louis Barthou est assassiné et l’Europe est secouée d’attentats, à tel point qu’en 1937, la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) inscrit la question des attentats à son ordre du jour. Plus près de nous, chronologiquement à partir de 1961, les attentats de l’OAS ensanglantent la France, puis à partir des années 1970, ce seront les mouvements autonomistes qui prendront le pas et enfin la question palestinienne non résolue, avec des opérations en Occident, au Moyen-Orient, qui vont prendre le relais de l’actualité tragique.

D’où l’importance de la culture du débat, de la discussion, de la négociation, y compris sur les sujets les plus difficiles, pour éviter les ruptures tragiques, et faire vivre le triptyque Liberté-Egalité-Fraternité auquel il faut rajouter la laïcité.

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