Familles Laïques

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Laïcité - droit de l'homme

Les métamorphoses de la famille

  • 25 juin 2014 |
  • ENVOL - évolution - Famille - FOL - Jean-Marie Bonnemayre - laïcité - tradition
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Depuis deux ans, dans le champ familial, l'affrontement idéologique est total entre le camp des laïques et le camp catholique.

    C’est  normal  puisque  ce sont deux  conceptions de l’homme et de la femme  qui  s’affrontent, deux  conceptions de la société humaine  et de sa destinée, deux conceptions  de l’éducation; et sur  le fond  c’est  toujours la  vieille lutte entre liberté et déterminisme, l’acquis  et l’inné, l’émancipation et les progrès scientifiques  contre le poids des dogmes et de la religion.

    Si le fait familial est quasi universel,  la notion de la famille a varié au cours des millénaires, des siècles, des pays ou des contrées, et singulièrement au cours des cinquante dernières années avec 1’émancipation des femmes et les progrès de la biologie.

    Il y a longtemps que les anthropologues et les ethnologues nous ont dévoilé les filiations patrilinéaires et les filiations matrilinéaires, pour lesquels la transmission des biens, du statut ou des privilèges, se fait du frère de la mère aux enfants de la sœur de ce frère : c’est 1’oncle maternel qui est le pivot de la famille, le géniteur n’ayant qu’un rôle   réduit. Claude  Lévi-Strauss  révèle des sociétés où l’homme ne peut épouser une femme dont il n’a jamais été l’amant, mais il sait qu’elle a été la maîtresse de ses voisins…

    On pourrait multiplier à foison les exemples et les combinaisons possibles de la parenté depuis  que 1 ‘espèce humaine existe. A côté la « famille recomposée » est d’une très grande simplicité et ne date pas de maintenant  et elle était courante au XIXème siècle, quand  les femmes mourraient jeunes et en couche…

    La loi sur le mariage des personnes de même sexe a fait tomber les masques. La gauche est alors accusée de vouloir « changer  la  civilisation », de « chercher  à détruire la famille… seul îlot de liberté où peuvent encore se transmettre les valeurs éternelles de respect, d’autorité,  de mérite, d’effort, de sens de la patrie»!

    Les réactionnaires ont même « inventé » le mot de « familiphobie  ». C’est  dire ! Déjà, à la fin du XIXème siècle, lorsque nos  aïeux  républicains et laïques, les députés de la troisième République ont voulu légitimer les enfants naturels ou adultérins, le député  monarcho-catholique  Léonce  de Castelnau s’écriait  à propos  de la gauche  : « elle livre  sans aucune  défense, la  famille légitime  à l’invasion  des enfants nés d’un  autre lit qui  viennent se  mêler  désormais aux enfants légitimes par l’effet d’une vraie polygamie … » !

    Redevenons  sérieux,  les théologiens  de tout  poil ont tenté  et parfois  réussi  au cours des siècles à imposer l’idée  puis à la « concrétiser » dans le droit moderne que la famille est la forme la plus naturelle des communautés. Ce qui veut dire que c’est  la loi éternelle, divine qui s’inscrit dans la réalité humaine et sociale; lorsque les réactionnaires invoquent « les lois de la nature » c’est  nous renvoyer à l’ordre biologique et physique des choses et donc à la légitimation des rapports entre les sexes et entre les générations. C’est aussi  et au  nom de la différence biologique homme/femme, que ces dernières ont été reléguées dans la sphère domestique en  les  renvoyant à leur infériorisation  sociale et politique. C’est ainsi que dans 1’esprit des conservateurs la « famille naturelle » est identifiée à la cellule d’un couple hétérosexuel apte à procréer des enfants qu’il a conçus biologiquement. C’est  au nom d’ailleurs  de la « nature » que 1 ‘Eglise interdit la contraception, qualifiée d’artificielle, car elle représente pour les théologiens un « désordre »  dans 1’ordre naturel des choses. En fait,  c’est  la famille  patriarcale  qui n’en  finit pas de mourir. Si la famille est pour la  plupart des  hommes et  des femmes un « cocon protecteur » , elle est aussi le  lieu  de  toutes les  névroses alimentant des milliers de romans depuis trois  siècles et  depuis Freud, l’objet d’études savantes… Dans  l’espèce  humaine, la construction de la personnalité doit  moins à l’inné transmis par  les gènes, qu’à l’acquis  reçu par l’éducation, la culture, les expériences ! Sartre disait « l’important n’est pas  ce qu’on fait  de nous,  mais ce nous faisons  nous-même de ce qu’on fait de nous » ou bien encore plus  fort   et  combien actuel  dans  le présent  débat « ce que je suis, c’est  ce que j’étais, puisque ma liberté présente remet toujours en question la nature que j’ai acquise »·

    Nous touchons là, au cœur de la peur et de l’irrationalité qui s’est  emparée  des conservateurs et des religieux : la reconnaissance du couple homoparental remet en question la définition du couple, de la filiation, de la parentalité.

    Que  l’on fasse  les  enfants « naturellement »  ou par «procréation médicalement  assistée  » ou par adoption  légale (puisque  dans le cas de l’adoption  plénière, on « efface » à l’état-civil  les parents biologiques  pour asseoir la fiction d’une  naissance naturelle), les enfants ne sont les nôtres que pour autant que nous les«  adoptons », c’est-à-dire que nous les reconnaissons  comme  étant les nôtres ! C’est un  choix  et  un engagement  qui priment sur la biologie. L’adoption  plénière, en un certain sens, fait la démonstration que le parent social existe depuis longtemps et  1 ‘on   sait   bien   que  de nombreux  cas de stérilité  masculine  se sont résolus à l’intérieur  des couples par «  les  moyens du  bord  » avant  que  la PMA n’existe  et avec l’accord  tacite, la plupart du temps, du conjoint ! Car sur la question  de la famille  on ne dénoncera jamais autant les ravages du secret, des secrets familiaux, là aussi objets de tant de romans et de films et des « non-dits » transmis de génération en génération… ! C’est la raison pour laquelle le CNAFAL est pour un «  droit d’accès aux origines», non seulement pour les adoptés,  mais aussi  lorsqu’il y a don  de gamète, de sperme, etc. Bien évidemment, en le réglementant et avec l’accord  de la mère biologique  aux donneurs/donneuses. Et ce dans l’intérêt  de l’enfant  qui a besoin de cette information pour« se construire». Tous  les  adoptés le  disent,  ils  ont  un besoin vital, non pas de connaître  leur géniteur ou génitrice réel, mais de s’inscrire dans une histoire ! De se l’approprier. Car la reconnaissance c’est« l’appropriation ». Ce que révèle l’évolution  de nos sociétés depuis  plus  d’un  demi-siècle, c’est  l’existence d’une double généalogie, de double filiation, de double parentalité. Les mœurs ont déjà entériné ce que les  mentalités  conservatrices refusent. Nos voisins  européens  ont déjà légiféré sur ces questions.  Ces enfants,  avec  le recul de trois décennies, sont pour l’heure en bonne santé physique et morale! C’est aussi la raison pour laquelle le CNAFAL appuie totalement le projet de loi Chapdelaine/Binet.

    Le combat  des laïques  dans  le champ familial est loin d’être terminé. Notre fil conducteur, c’est  toujours  l’émancipation humaine  et le droit au bonheur  sur terre, tel  que  les  révolutionnaires de 1789 l’avaient proclamé!

    Jean-Marie Bonnemayre

    Président du CNAFAL Membre du Haut Conseil de la Famille

    Article tiré de la revue ENVOL n° 642 éditée par la FOL 07

    http://fol07.com/

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