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Pierre Juston travaille sur les questions de laïcité au sein de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)
Sans nul doute, certains d’entre vous en sont déjà convaincus mais, fréquentant assidument le milieu laïque militant, notre combat pour la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté n’est pas toujours compris ou relié au concept de laïcité, lui-même aujourd’hui et depuis quelques années au cœur des débats français. Pourtant, notre combat s’inscrit parfaitement dans le cadre d’une philosophie républicaine, universaliste, laïque et libérale (le mot « libéral » pris dans le sens originel qu’il induit et non dans un sens aujourd’hui couramment employé, se rattachant à un courant dans le seul champ économique).
Outre le fait que nos plus farouches opposants sont souvent les mêmes qui foulent au pied le principe de laïcité, qui souhaitent aussi le vider de sa substance ou du moins échapper à une partie des obligations qu’il suppose, le lien entre ces deux combats – la laïcité et le droit de mourir dans la dignité – se réalise sur plusieurs points. La conception de la notion de dignité humaine, celle de la fondamentalité de certains de nos droits et libertés, le cadre démocratique et républicain de notre État ou encore le processus d’élaboration des normes collectives dans notre système juridique sont des éléments qui permettent d’envisager notre combat pour une loi de liberté comme un combat éminemment laïque.
En effet, ce que la laïcité fait au droit n’est pas seulement la mise en place d’un cadre séparatiste entre l’État et les cultes mais elle s’inscrit aussi et surtout dans un processus antérieur à la seule loi de 1905 et remonte à notre déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est l’absence, pour notre nation, de référentiel religieux et spirituel pour l’élaboration de notre pacte politique et social. C’est la séparation entre ce qui relève des intérêts individuels légitimes des femmes et des hommes pris individuellement ou dans des groupes, et de l’intérêt général qui regarde les citoyens dans leur ensemble. C’est la mise en place d’un système juridique humaniste, c’est à dire de l’Homme, par l’Homme et pour l’Homme (mot utilisé dans son sens générique et renvoyant à l’Être humain sans distinction sexuée). Le citoyen s’arrache ainsi à toute morale et dogme religieux préalable, qui a pour autant toujours le droit de citer dans le cadre démocratique, mais qui perd toute légitimité à fonder la délibération collective nationale.
Ainsi, plus qu’un régime de séparation entre les cultes religieux et le politique, le processus enclenché par le concept de laïcité est aussi celui de la laïcisation du droit. C’est notamment grâce à cette conception républicaine universaliste que de nombreuses avancées concrètes ont pu s’accomplir et, sans retirer de droits à quiconque, en aura permis l’ouverture de nouveaux. La consécration de ces nouveaux droits ne doit pas être conçue comme la création de droits spécifiques à des « minorités » (le droit français ne reconnaît aucune minorité/majorité) mais comme disponibles pour toutes et tous en notre qualité de citoyen. De la légalisation de la contraception jusqu’à l’égalité universelle dans l’accès au mariage pour tous les couples, ces exemples s’inscrivent dans le sillon d’une pensée laïque et universaliste qui permet aux dogmes religieux et spirituels d’exister et de s’exprimer librement mais qui leur retire leur capacité à décider pour tous.
Sur la question de la dignité qui fait parfois débat dans notre association, sa nature double (sur le plan juridique) permet de fonder avec plus de force encore, le vote d’une loi respectueuse du choix du patient. La notion de dignité, si elle peut certes empêcher certains comportements pourtant consentis par l’individu dans notre système, a aussi cette forte connotation libérale qui permet à l’individu de définir ce qui est digne ou non pour lui. Voilà pourquoi il me semble important de conserver ce mot dans notre combat et dans le nom de notre association. C’est aussi justement la notion de dignité qui peut être valablement utilisée en soutien de notre combat quant à la conception des droits et libertés dans notre modèle français comme européen. Conjugué avec les principes de liberté, d’égalité et de fraternité de notre devise, le droit de mourir dans la dignité est justement parfaitement conforme à notre modèle républicain libéral. Il au cœur de l’idée d’émancipation humaine et citoyenne que l’outil laïcité permet, grâce à la construction d’un choix libre et éclairé, en conscience, dont la construction commence dès l’école, et qui ne peut relever d’aucun paternalisme d’État.
Il me semble décisif, dans cette période, de ne pas hésiter à relier notre engagement aux combats laïques et républicains émancipateurs. Ces derniers sont aujourd’hui en débat dans la société. Il convient donc de rappeler aussi aux parlementaires en quoi notre combat est à la fois laïque et républicain, en quoi il est encore absurde dans le cadre de notre république d’interdire à quiconque de choisir sa fin de vie en s’appuyant sur des fondements qui sont, pour l’essentiel, le produit de dogmes et d’une morale religieuse qui peut librement s’exprimer mais qui n’a aucune légitimité à s’imposer aux citoyens qui ne le souhaitent pas pour eux-mêmes.
Pierre Juston
Délégué de l’ADMD pour la Haute-Garonne et pour le Gers
Le CNAFAL
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